Aujourd’hui, je voudrais vous raconter le voyage d’un bordelais à Lille. Ce petit gars du sud est venu les mains dans les poches pour trouver un logement. Par un bel après-midi de juillet fort ensoleillé, il visita un premier appartement.
Ce petit studio avait beaucoup pour plaire. Sans être éclatant, il était lumineux. Sans être le meilleur marché, il était très accessible. Sans être le centre du monde, il était très bien situé. Certes il se situait au dernier étage de la résidence, avec un voisinage parfois bruyant, mais le bordelais appréciait faire des efforts et l’animation.
Parfait dans son imperfection, ce lieu de vie séduisit instantanément le jeune homme. Pourtant, on lui conseilla de continuer ses recherches. Après, il avait du temps à perdre, et bien qu’ayant trouvé l’appartement quasi parfait, il pouvait trouver « mieux », moins cher, plus proche du métro, plus beau, mieux quoi.
Sur ce, le lillois novice s’enquit de visiter trois autres appartements. Il parcouru de longues distances à pieds dans cette ville qu’il ne connaissait pas, sous un soleil de plomb. C’est donc un peu essoufflé et éprouvé par ces heures de quête qu’il se présenta devant les portes d’entrées.
Le premier prétendant pose une première énigme. L’appartement est censé être au troisième étage… mais l’immeuble, par ailleurs exposé à des travaux bruyants, comporte davantage d’inter-étages que d’étages ! Grand mystère que cette tour de Babel. Bien sûr, aucun moyen d’identifier nettement quelle porte pourrait être celle du lieu convoité. Après un intense essayage de tout le trousseau sur l’ensemble des serrures qui auraient éventuellement si ça se trouve une chance de convenir… c’est un premier échec pour le sudiste.
Il se remit courageusement en route avec beaucoup d’envie et un esprit revanchard. Il se présenta alors dans une petite rue de traverse. Entre un marché couvert sinistre et un bar animé, une porte en bois bleue s’interposait entre notre héros et le second appartement inconnu. Après un nouvel essayage d’un autre trousseau, il parvint finalement à introduire une clef et lui faire imprimer un demi-tour dans la serrure…mais pas davantage. La rage d’abord contenue avec élégance finit par sortir et le jeune homme énervé par forcer sur cette serrure à mi-temps, sans grand succès.
Le petit bordelais sut alors que s’il ne pouvait faire que la moitié du chemin aujourd’hui, il devrait refaire l’effort demain, et aussi après demain, si d’aventure l’appartement derrière cette porte si incommodante était choisi au final. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, d’autant plus qu’un autre appartement attend à être visité. Celui-ci ne sait pas ce qu’il rate à se rendre inaccessible.
Après une marche un peu plus courte, le mec du sud se retrouva devant une habitation à la façade fort charmante. On l’avait mis en garde que la porte devait être lourde, qu’il fallait la pousser de bon cœur. Ce que fit le jeune homme. De nombreuses fois. Ce n’est pas que du cœur qu’il fallait pour entrer dans ce coffre-fort, mais une force surhumaine, que le bordelais n’était guère disposé à fournir au quotidien, même pour la plus belle des demeures. Sûrement huilerait-il cette porte s’il devait résider ici. Mais cela n’en valait pas la peine.
Il se donna la nuit pour réfléchir à cette drôle de mésaventure, puis signa inconditionnellement pour le premier studio. Et se remémora longtemps les conséquences de son épopée.
Finalement, ça n’avait pas été si désagréable que cela de partir pour cette vaine chasse au trésor. Avec le recul, il trouva même cela amusant, et rit avec sincérité de ses propres maladresses et de ce curieux destin. Les souvenirs de cette folle journée resteraient pour lui riches d’enseignements.
Aller voir ailleurs ne fut pas si inutile. Cela conforta le bordelais dans l’idée que son studio était le bon. Bien sur, à l’usage, il verra que son studio n’était pas parfait. Il verra l’humidité qui se cachait bien au plafond. Il se retrouvera avec des canalisations bouchées. Il sera parfois user de faire le ménage toutes les semaines et de devoir gravir chaque jour les trois étages.
Il demeurera le temps qu’il demeurera dans ce lieu de vie, sans plus d’attachement que de raison. Il ne regrettera jamais. Il ne retiendra que les bons instants, les bonnes soirées, les bonnes visites. Les galères aussi, qui une fois résolues seront autant de références pour l’avenir.
C’est aussi à l’usage que le bordelais avait compris en quoi son appartement était parfait. C’est avec le temps que la valeur de certaines choses peut apparaître. Le bordelais, au moment de rendre les clefs, en avait conscience et était heureux de ce bout d’existence passer à Lille. En attente de nouvelles aventures !
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