dimanche 11 octobre 2009



Grâce à la magie de l’or noir, nos vies sont zen.
Par sa bonté, dans toute la France on se déplace.
Sans lui, les avions ne seraient que carcasses
Vides, inanimées, assoiffées de kérosène.

Sa disparition est un cruel phénomène.
Dans notre chute, nous penserons « Que la Terre est basse !
Terre radine ! Mon ami le sol ! Viens, que je t’embrasse !! »
Notre civilisation, échouée comme une baleine !

Pour éviter ça, notre passion, c’est le Forage,
Même en Alaska, même au milieu de l’orage
Nous minons la planète en quête du trésor noir.

Pollueurs ? Oui, mais à ce prix est le bonheur.
Nous pillons tout, et tant pis pour nos successeurs.
Profitant bien, car la fin est pour demain soir !


Baptiste G.

Les rêves mentent-ils ? Épisode 56-1



Partie 1


Pour la seconde fois, MD vient me hanter dans mon sommeil. Je peine à la rejeter, ma tendresse prend le pas sur mon orgueil et je la serre contre mon cœur. Mon rôle de protecteur a pris le dessus, mon esprit câlin aussi, je me dis que c’est dommage que ce soit fini elle et moi, ne serait-ce que pour la perte de cette affectuosité.
L’émotion dérangeante et ambigüe de cette photo nostalgique m’éveille en sursaut.
Dans mon lit à deux places saint-médardais, je suis bien sûr seul, mais ce n’est pas cela qui me préoccupe. Dans la chambre obscure, j’ai une sensation d’humidité ambiante. Ca m’arrive d’être grognon au réveil, mais ce n’est pas cela qui m’assaille en cette fin de nuit. Ce n’est pas non plus de la transpiration. Un doute perturbant m’envahit brusquement.

Je me mets sur mes pieds en sursaut. Je constate alors la terrible réalité : il pleut dans ma chambre ! Je m’affole à l’idée que mes affaires, et surtout mes textes, prennent l’eau. Je panique, fais les 100 pas en quête d’une solution, quête que je sais désespérée, lutter contre les éléments, c’est tellement vain…
Je ne suis toutefois qu’au début de mes peines. Je me rends à l’interrupteur et dès que j’y parviens, le vent se lève et m’enlève vers le ciel.
Je me laisse dans un premier temps glisser, avant que mon esprit combattif ne se réveille. Je ne suis pas autorisé à me laisser faire ! J’ai encore des ressources, alors il m’est interdit d’abandonner.

Je me mets à brasser en direction du plancher pour rester à quai. Je bataille sec, et cela me coûte tellement d’efforts que cela en devient désagréable et anxiogène. Je commence à aimer l’idée que le vent devienne si violent qu’il m’emporte sans que je ne puisse rien y faire. L’avais-je souhaité, ordonné ou simplement anticipé, le vent, agacé par mes gesticulations, triple en intensité et me voilà happé dans une spirale qui m’éjecte au loin. J’atterris violemment bien plus loin, dans ce qui semble être les rues d’Anglet, où je devais me rendre durant la journée. Je me mets à courir sans savoir où je vais.

Je me retrouve ensuite dans un vaste couloir bordé de non moins longues fenêtres par lesquelles perce le ciel nocturne. Ce grand hall est à l’étage, je l’identifie comme faisant partie de la CDC Bordeaux, ou plus probablement d’une fac.
Par la fenêtre, je vois six lumières rouges. Je me dis que la corniche d’en face réverbère des lumières issues du rez-de-chaussée du bâtiment dans lequel je me trouve. Mais en remontant le couloir, je suis angoissé. Je remarque vite que ces lumières sont bien six et non une seule, comme autant d’yeux malveillants. Je me sens épié alors que ces yeux sont ceux de créatures diaboliques. Trois espèces de gargouilles aux allures de chouettes me dévisagent avant de prendre leur envol en ma direction !



Très vite, je me retrouve cerné par ces oiseaux de mauvais augure. Dans mon désespoir, en proie à un stress intense, j’attaque un des monstres, l’étrangle d’une main et lui blesse les yeux de l’autre. La bête maudite piaille un hurlement de douleur. Moi-même ignore si je souffre ou non, l’adrénaline a pris le pas sur toutes mes pensées et sensations.
Je détale interminablement dans le hall infini, désert et obscur, seulement illuminé par les rubis de mes poursuivantes. L’étendue du champ de fuite dont je dispose n’a d’égal que l’absence totale de cachettes potentielles. Fort heureusement, cette angoissante rêverie prend fin à cet instant.

Les rêves mentent-ils ? Épisode 56

Partie 2

Une longue ellipse plus tard, je retourne au lieu de l’attaque, éveillé cette fois-ci. L’endroit semble différent, du seul fait de l’anxiété retombée et de la lumière du jour retrouvée. Je parviens à la fenêtre que les gargouilles ont brisée dans mon songe et la présente à l’homme qui m’accompagne et que je ne connais pas, mais certainement un travailleur local, directeur ou responsable de la sécurité de l’établissement. Je lui explique que la nuit précédente, le vis-à-vis n’était pas si éloigné, et la corniche des gargouilles à à peine deux ou trois mètres. Nous cheminons de nouveau dans le hall. Je fais mon enquêteur et expose à voix haute mes hypothèses. L’interprétation du vent doit être philosophique, voir religieuse. Peut-être était-ce le vent du hasard ? Plus logiquement, le vent du changement, pour un futur périlleux. Ce songe devait être un avertissement, encore une fois, et si ce lieu avait été choisi, ce ne devait pas être un hasard. Ma paranoïa servirait peut être à préserver d’autres vies menacées par cette allégorie bizarre. Je m’éveillai une nouvelle fois, pour de bon, sorti de mon sommeil riche en réflexion, par des bruits de pas au rez-de-chaussée. Par la fenêtre, une lumière jaune diffuse, comme le rouge du rêve…mais celle-là provient bien du rez-de-chaussée. J’entends le porte-fenêtre s’ouvrir et un homme sort dans le jardin…Je me doute qu’il s’agit de mon père, mais fais l’effort de m’en assurer malgré la nuit encore profonde. C’est bien lui. Je consulte ma montre : 4 heures.
Les sommeils perturbés sont décidemment communicatif aujourd’hui…La nouvelle épidémie du futur ?

mercredi 29 juillet 2009

Le navigatueur




Au printemps ils se retrouvent comme les hirondelles,
Le fier navire et son valeureux amiral.
Tous les deux ils voguent le long du littoral
Poussés par les vents, ce sont des amis fidèles !

Quand vient l’été, le marin revêt sa casquette
Saisis son sac à dos et file vers l’Horizon.
Avec les éléments il est au diapason
Et rien ne l’arrête dans son désir de conquête.

Maître pêcheur, chef cuistot et expert skipper,
Capitaine est seul maître à bord. Neptune ? Pas peur !
La mer peut menacer, il est libre comme l’air.

Mieux que quiconque, il sait que viendra le déluge
Et que quand il aura besoin d’un refuge,
Pour toujours sa coque de noix servira de repère !

mardi 21 juillet 2009

Les rêves mentent-ils ? Épisode 55

Rêve dans la matinée du 13 juillet 2009. Ma piaule à Boulogne-Sur-Mer.

Je joue aux cartes avec plusieurs amis dans une cuisine d'appartement de mon immeuble.

Un facteur vient nous déranger et m'annonce qu'il a un colis à déposer chez moi. Je dis pas de problème, qu'il y aille. Je ne veux pas interrompre ma partie.
Quelques instants plus tard, c'est un policier qui s'invite.
Mr GREMONT, on vient de cambrioler votre appartement.
Quoi?!
En 4è vitesse, je grimpe les un ou deux étages qui me séparent de ma piaule. Je me retrouve dans un couloire qui ressemble à celui de la résidence Touraine (rendue quelques jours plus tôt dans la vraie vie) et voit effectivement la porte béante.

En entrant, je trouve un studio assez semblable à celui que j'occupais dans la vraie vie à Lille, pareillement en vis à vis avec... rien, le premier immeuble étant toujours à une bonne vingtaine de mètre en face, la fenêtre donnant toujours sur une cours.

Il y a du bordel, mais pas tant que ça, mon cambrioleur ne cherchait visiblement pas quelque chose de particulier. Rien de cassé, à première vue rien de manquant. Après tout, qu'est-ce que je possède qui pourrait attirer les convoitises ?

Mais à mieux y regarder, et surtout à mieux écouter, je remarque que ma fenêtre est ouverte, et qu'au travers d'elle, on entend de la musique à plein pot. Le cambrioleur m'a subtilisé ma mini-chaîne et l'a placée sur le toit en face, le volume à fond.

Mon premier réflexe est de m'assurer que la musique ne me fait pas honte sur mes goûts (!!) mais ça va, rien à me reprocher à ce niveau là. J'ai quand même un peu honte que ma vie privée ait été déballée comme ça et me sens gêné pour les voisins qui pourraient être dérangés par cette pollution sonore.

Heureusement, les véritables conséquences me viennent en un éclair. Quelqu'un s'est introduit chez moi et m'a fait cette farce, juste histoire de dire qu'on entre chez moi comme dans un moulin et ce même à ma barbe. Je ne suis pas à l'abri.

J'enrage également, car ce doit être un coup du soi disant facteur. C'est ça de faire confiance, on prend le risque de se faire doubler.

Avec l'agent, nous décidons de porter plainte. Je suis dégoutté de ne pas avoir fait plus attention que ça au visage du facteur, qui était par ailleurs assez quelconque, et cela va me poser des difficultés pour établir un portrait robot. Tant pis, on demandera au con-cierge de l'immeuble la vidéosurveillance filmant l'entrée. On devrait y retrouver la bobine de l'affreux jojo. J'anticipe aussi la galère que va constituer la récupération de l'objet volé, planqué à un endroit peu accessible ! Ca me coûte de prendre toutes ces décisions, d'agir ou plutôt de réagir à cette agression et assumer les conséquences de mon laxisme. Mais je ne me laisse pas aller, je mets en place des solutions, je ne reste pas passif, et cela me donne de l'énergie.

Je décide également de quitter ce logement. Mes parents m'aident à déménager, passant une soirée chez moi, avant de rassembler toutes mes affaires dans un grand sac. J'y range également mes cartes. Au moins, cela aura eu du bon, je vais pouvoir profiter de leur présence pour évacuer mes affaires de ce repaire temporaire. Enfin, avec le recul, je constate que j'ai toujours le soutien indéfectible de ma famille, et cela est rassurant.

Je discute ensuite avec un ami, dans un autre bâtiment que je n'identifie pas, peut être l'immeuble de la personne avec qui je m'entretiens. On s'interroge sur comment faire le maximum pour ma sécurité. Si le facteur avait voulu m'abattre, il l'aurait sûrement fait sans cette mise en scène, mais c'est peut être un simple avertissement. Qui sait ce qui m'arrivera la prochaine fois ?
Bien entendu, il ne faut pas trop compter sur la police. Après tout, je ne suis qu'un citoyen lambda, à priori, donc inutile d'espérer qu'on mette en place un cordon de sécurité juste pour moi. Inutile aussi d'imaginer que l'enquête soit rapide, efficace et assure ma tranquillité à elle seule. Non, il faut que je compte sur mes propres moyens pour me tirer une nouvelle fois d'affaire.
 Je tiens dans mes mains un flingue. Il me semble que c'est le second, je l'ai choisi par rapport à un précédant qui m'était proposé. On dirait un peu un jouet en plastique, mais à n'en point douter c'est une arme redoutable. Le spectre d'une folie meurtrière me vient à l'esprit, où je pète un plomb, plombant des passants au hasard dans la rue, juste par réflexe, par craint, par paranoïa. J'efface vite ce rêve sanglant dans le rêve de mon esprit et me ressaisis. Je suis quelqu'un d'équilibré et de réfléchi, ce poing est ma vie, pas un engin de mort qui va faire de moi un criminel fou. Je saurai en faire bon usage et tempérer le pouvoir que me confère ce privilège. Enfreindre la loi du port d'arme ? Quand la survie est en jeu, les lois paraissent bien superflu. Non, je sais que j'arriverai à ne tirer qu'en second. Au moins si quelqu'un me menace une arme ou essaye de me tirer dessus, je pourrais au moins répliquer, vendre ma peau chèrement. Ca ne me rendra pas immortel

D'ailleurs, me faisant le film de quelqu'un me tirant dessus dans la rue et ne parvenant pas à me tuer en un coup, je me dis que si je suis grièvement blessé, ce serait plus difficile pour moi d'en sortir vivant. Nous concluons donc que je dois également prévoir un gilet pare-balle. Mon ami, qui a déjà du me fournir les pétards, m'assure qu'il pourra m'en procurer un. Je l'en remercie. Chouette type, encore quelqu'un sur qui je peux compter, ça fait plaisir.
Soudain, je reçois un coup de téléphone. Je panique presque, et si c'était mon maître chanteur ? J'ai presque du mal à me saisir de mon portable sous l'effet du stress. Un numéro inconnu, ça ne peut être que ça ! Mon ami me fait un signe de répondre encourageant.

Je parviens alors à retrouver mon moi calme et combattif et répond par un allô grave et assuré.

 Après avoir échangé quelques mots avec mon interlocuteur, il s'avère que c'est en réalité un collègue de mon père que ne connaissais pas, qui a répondu après avoir reçu un message vocal de mon père qui avait emprunté mon téléphone pour lui passer un appel. En prenant congé pour rejoindre mon père et lui transmettre le message de son collègue, je suis donc rassuré, mais pas tant que ça...J'ai eu de l'appréhension maintenant, j'en aurais la prochaine fois qu'un inconnu me passera un coup de fil. Je ne serais jamais plus tranquille, jamais plus le même. A moins d'en apprendre plus... L'anonymat de mon agresseur est pire que tout. Comme dans le rêve n° 53 en fait. Je suis parti pour redevenir nerveux et angoissé, mais tant qu'il y aura de la combativité et un esprit rebelle qui m'animera, ça ira, ça ne m'empêchera pas de vivre ma vie. Je suis un homme libre.

 Enfin un rêve où il n'y a pas de femmes, à part le spectre de la mère qui ne doit faire qu'une apparition éclaire et accessoire dans ce film. Ca a quelque chose de rassurant de mener cette histoire de flingues et de sang entre hommes, en toute virilité franche et musclée.

samedi 20 juin 2009

Bloc-notes



L’ami de l’instant présent, de l’écriture automatique, du carpe diem rédactionnel. C’est l’instrument de capture de l’idée fugace qui s’évaporerait sinon. Une phrase qui passe, une rime éphémère, rien n’échappe au crible à bonnes idées.
Comme un appareil photo réflexe, le carnet magique saisi des instantanés intellectuels. Des clichés spontanés, désordonnés, touchants de naturel.
Faire les choses et pas trop les planifier. Et tant pis si tout n’est pas parfait. Le temps presse. Quand il s’agit d’écrire et d’imprimer les idées, le bloc-notes est la solution.

Ecrit sur un bloc note dans la navette Lille-Lesquin, le 06/06/2009 entre 7h00 et 7h20.

Les rêves mentent-ils ? Épisode 54

Rêve pendant la nuit du 12 au 13 juin. Ma chambre à LILLE.

Un black alcoolique qui a fait de la tôle retrouve sa femme dans un établissement public, bistrot ou café. Ils se retrouvent pour la première fois depuis longtemps autours d’un vieil album photo, partageant un délire alcoolisé où les deux boivent au goulot du même flash comme au bon vieux temps. Un rire exhibant une blanche dentition sur fond noir.
Toutefois, la femme finit par prendre un air désolé, et avoue en catimini que le temps de la détention fut trop long, et qu’elle a pris un amant, n’ayant pas la patience au final.

Ivre de haine et de jalousie, l’ex-tolard quitte le bar avec rage et détermination, claquant brutalement et bruyamment la porte de l’établissement. Il marche d’un pas décidé, arpentant une ville post industrielle ensoleillée, qui pourrait bien être Lille, Boulogne-sur-Mer, ou encore une ville américaine, me dicte mon inconscient. L’ex-femme lui court après, l’invitant par des cris éperdus à la compréhension et la clémence. A la raison. L’homme qui fait la sourde oreille ne s’en préoccupe pas le moins du monde, et dans un train d’enfer se retrouve au domicile de son rival, blanc (me semble-t-il). Les esprits s’échauffent et les paroles fusent, tout comme la balle meurtrière qui vient faire le silence, après avoir assassiné le nouvel amant de la dame, en pleur. L’homme noir (une nouvelle fois ?) meurtrier prend la fuite.

A la suite de cette scène sanglante, La femme retrouve une autre JF, blanche, dans une sorte de café. Elles jouent à la roulette russe toutes les deux. Tout autour, un public majoritairement féminin observe la scène, en toute impassibilité. Comme les spectateurs d’une exécution aux Etats-Unis. Baptistisime s’y trouve. Dans une confusion toute onirique, il lui semble prendre la place d’une des joueuses, jouant du barillet avec amusement, posant le canon sur sa tempe sans crainte, inconscient du danger, et entendre le bruit jouissif de la détente qui fait clic. Le rire intérieur d’avoir trompé la mort une fois de plus et le rire extérieur de cette toute puissance.
Une spectatrice experte en balistique me confisque l’arme, et la décharge devant tout le monde. Elle inspecte la balle tombée au sol, puis la replace dans le barillet, puis me tend l’arme. Je fais de nouveau rouler le caisson meurtrier rempli au 6e avec un amusement macabre, un sourire sadique en coin. Je m’amuse de ma dextérité à manipuler l’objet phallique à la morsure fatale. Je repose le serpent sur la table de jeu dont j’ignore s’il portait le tapis vert vie ou bordeaux comme le sang. A équidistance entre les deux femmes au regard vide. Toujours tout sourire, je vais m’assoir sur une chaise inoccupée dans le public, entre deux personnes. Je croise les bras, et passe la jambe droite par-dessus l’autre, décontracté et avide de voir la suite du spectacle. L’une des JF s’en sort, l’autre lui répond en évitant à la tueuse à son tour.
Je suis totalement décentré de la cruauté de la situation. Je m’amuse même comme un petit fou. Je lâche quelques mots à ma voisine…de droite je crois. Je lui parle de probabilités, comme ce qu’on voyait en terminale au lycée. Chance de mourir durant ce jeu : 1 sur 6 à chaque fois que c’est son tour de jouer. Mais je ne me rappelle plus la formule pour déterminer la probabilité d’une série d’exercices répétés à l’identique. Les chances de mourir sont sensées augmenter à chaque fois, non ? C’est avec cette réflexion insensible et dénué de compassion que mon songe s’interrompt, en toute quiétude.


Le lendemain, samedi, je m’éveille avec mal à la tête. J’accuse dans un premier temps ma couche que je soupçonne d’avoir meurtri mes vertèbres et que c’est cet inconfort qui m’a mis en vrac. Quelques heures plus tard, ce songe me revient, et je me dis qu’il n’est pas étranger à ce mal de crâne.
Si Baptistisime a trouvé le jeu si amusant, c’est qu’il a pris conscience que les femmes aussi jouaient avec le hasard, et perdent parfois. Il a une nouvelle fois été témoin d’un jeu global mêlant des gens corrompus par la boisson, le manque de volonté, l’hypocrisie, la suffisance et l’opportunisme. Bien sûr, tout cela fait partie du jeu, mais la règle de tout jeu est d’être bon joueur et de tout donner. Le génie sadique est ainsi très satisfait de voir les perdants assumer la sanction de ne pas avoir fait les efforts nécessaires. C’est un peu comme si ces infortunées JF étaient enfin mises face à leurs responsabilités. Du pain béni pour Baptistisime, moralisateur du chaos et connaisseur de l’autodestruction. Quand on veut, on peut. Enfin, dans ce domaine de l’autodestruction en tout cas !

dimanche 14 juin 2009

L’odyssée du bathyscaphe, épisode huit: Les brise-glaces



Heures ont passé avant qu’une ombre passe au-dessus sous-marin. Etrange, pense petit cerveau félin naïf de Shââ, ombre dans les abysses, surtout venant de la surface. Shââ sait quelque chose a cassé glace là-haut. Pas tort. Shââ pas vraie notion de temps, mais peut dire que quelques instants plus tard, un treuil est tombé sur carlingue usée de Bathyscaphe.

Doc G a eu illumination qui l’a réveillé : « En…surface…un…brise-glace ! » a-t-il dit en marmonnant comme un chat. Voix avec qui Shââ a parlé se refait entendre dans le salon par radio.

Capitaine a entendu voix humaine. Passion pour la conquête et le pouvoir sur autres humains l’a réveillé. Il a repris la barre et le sous-marin a affronté la glace de concert avec le brise-glace et banquise tremblait. Cette masse gelée s’ébranlait et bathyscaphe vibrait. C’était très impressionnant, miaou. Résistance de banquise pourtant gigantesque. Rien lâcher.

Brise-glace nous encable. Ca aide notre propulsion affaiblie et sous-marin émerge doucement. Capitaine et Doc toujours resté la tête hors de l’eau, même lorsqu’ils en avaient jusqu’au cou. Eau qui enfin quitte navire. Shââ s’ébroue, humains font de même. Pas de besoin de serviettes non plus, miaou. Enorme boîte de sardine immense, mais déserte. C’est qu’il héberge une centrale nucléaire, beaucoup d’énergie, une vraie bombe atomique, miaou.

Doc, capitaine et Shââ aborder impressionnante bâtisse de fer rouge sans peur. Rien ne peut être plus périlleux que ce que nous avons affronté ensembles, miaou. Navire énorme et puissant, mais un peu vide. Shââ un peu déçu les promesses de façade et que sauveur un peu rouillé au final. Miaou bon. On fera avec.
Doc bien connaître les brise-glaces. Est glaciologue, après tout. Nous conduit dans les couloirs aux néons infrarouges et aux gros boulons. Il n’y a pas un chat, miaou. Il n’y a que Shââ comme félin pour aller aussi loin au Nord. Félins pas idiots. Mais pas problème actuelle. Où est voix mystérieuse ?

Sept couloirs tous identiques, et nous rencontrons enfin présence humaine de chair et d’os.

Grande dame aux cheveux rouges. Shââ se sent tout petit, mais pas menacé. Seule occupante vivante du navire, apparemment. Porte un uniforme différent de celui de capitaine.

Doc G : Bonjour.

Capitaine B : Bonjour, madame.

Inconnue : Mademoiselle. Je suis la commandante C, de la marine.
Capitaine B : Mes plus plates excuses, commandant. Capitaine B, de l’armée de terre ; et voici le docteur G, expert en glaciologie.
Capitaine au garde à vous. Shââ sait que protocole ainsi, mais trouver gestes ridicules.

Commandant C : Repos, capitaine. J’ai bien entendu vos appels de détresse et me suis renseignée sur votre identité et votre mission. Mon brise glace étant le navire d’intervention le plus proche, j’ai été dépêchée par le haut commandement à votre sauvetage.

Doc G : Ce dont nous vous sommes redevables et reconnaissants, commandant !

Capitaine B : Ne parlez pas trop vite en mon nom doc, je vous prie, hahaha !

Commandant C : Vous avez l’air en bonne santé après tout ce que vous avez traversé. Si vous avez un pépin, je peux vous cherchez de quoi vous soigner à l’infirmerie.
Doc G : Ca ira, merci.

Capitaine B : J’ai déjà connu bien pire, ça ira, haha !

Commandant C : Heureuse de vous l’entendre dire. Je vous ai préparé des couvertures chaudes, prenez-les. Occupez vous bien du chaton, il est tellement coco.

Doc G : Ne vous en faites pas pour lui, ce petit diable est plus solide qu’il n’y parait.

Commandant C : Désirez-vous à boire et à manger ?

Capitaine B : Juste un café, et un lait chaud pour Shââ.
Doc G : Thé vert si vous avez, je vous prie.

Commandant C : Je vais vous chercher ça.

Elle conduit capitaine et doc dans petite salle de repos. Des banquettes rouges usées autours d’une petite table. Eclairage artificiel comme dans sous-marin.
Jeune militaire humaine prépare et apporte elle-même boissons. Shââ très heureux d’être attablé en compagnie d’humains, et aussi de laper lait, table confortable, ronron. Shââ réchauffé de l’intérieur, c’est agréable, miaou.
Capitaine intéressé par commandante. Peut être convoiter nouveau trophée encore plus difficile à décrocher. Peut être fasciné par humaine qui sorte un peu de l’ordinaire.

Capitaine B : Vous faite le service, il n’y a personne de mieux placé ici pour une tâche aussi vile ?

Commandant C : Vous l’avez bien vu en arrivant, il n’y a que moi.

Capitaine B : Ouais, un vrai désert.

Commandant C : Mon désert.

Capitaine B : Certes ! Moi les déserts, ça me connaît. Je suis bien content d’en découvrir un d’un genre nouveau.
Commandant C : Oh, vous savez, ce n’est pas un désert bien compliqué. Ca parait grand comme ça, mais il faut bien cela pour faire avancer une telle machine. Il y a beaucoup de tâches automatisées, ce n’est pas si compliqué de piloter. Je n’ai pas besoin d’équipage, c’est moi qui fait tout ici. Je bricole quand il y a une avarie, je manœuvre quand il faut désincarcérer un navire pris au piège de la banquise.
Et quand vraiment il y a une panne sévère, je retourne au port pour réparation et ravitaillement. Oh, j’y reste jamais très longtemps, juste quelques jours, le temps que ça aille mieux.

Capitaine B : Ce sont des ports accessoires, en somme !

Commandant C : Exactement ! Ma passion à moi, c’est le large, la mer. La liberté, la navigation, c’est toute ma vie. J’aime bien être seule maîtresse à bord après Neptune. J’aime pas être attachée, qu’on me donne des ordres. Ou en donner, d’ailleurs.

Capitaine B : Quel dommage que nous ne puissions pas rester. Nous nous serions sûrement entendus à merveille vous et moi.

Commandant C : Si vous le dites. De toute façon, on se tient aux nouvelles. Je déteste quand mes protégés s’abiment. Mais si ça vous arrive, vous saurez qui appeler.

Doc G : C’est entendu. Encore merci pour le coup de main.
Commandant C : Il n’y a vraiment pas de quoi, c’est tout naturel. Faites bonne route.
Capitaine B traîner brusquement Shââ par les pattes, tout en saluant commandante avec chaleur et enthousiasme. Rejoindre sous-marin, poursuivre voyage.

Doc G : Qu’entendiez-vous par « nous entendre à merveille », capitaine ? Vous aviez l’air un peu envieux, que Shââ se fasse caresser et pas vous.
Doc observateur et moqueur.

Capitaine B : Oh, c’est bon, doc ! Je n’avais pas d’arrière pensée, hahaha ! On va pas se laisser détourner de notre cap par une nana, hein doc ?
Capitaine donner accolade franche et virile, toute en puissance.

Doc G : Certes, certes. Cela dit, je suis bien d’accord avec vous sur un point. Cette dame aux cheveux rouges a quelque chose…de particulier.

Capitaine B : Elle a surtout quelque chose, tout court. Ca change un peu des autres femmes.

Capitaine misogyne. Mais Shââ pas outré. Habitué, fait pas nouveau.

Capitaine B : C’la dit, c’est pas plus mal comme ça. Son désert, je le trouve simpliste, voir fadasse. Affronter la banquise avec un gros tank, c’est carrément trop facile à mon goût !!

Doc G : Alors que piloter le bathyscaphe, c’est un challenge tout en finesse ! Pas vrai, Shââ ?
Shââ : Miaou !

Doc G : Mais vous avez raison. Un désert bien plus passionnant nous attend. C’est pas avec cet énorme engin que nous irons au pôle. Et nous ne sommes pas seuls à bord, nous sommes trois amis sur qui compter !

Shââ : Miaou !

Capitaine B : Et c’est reparti, mon kiki !

Et Doc, capitaine et Shââ reprendre odyssée en compagnie de spectre de dame rouge. Magie étrange pour affronter de nouveaux obstacles encore plus étranges.

lundi 8 juin 2009

Européennes 2009

Le 08/06/2009 Boulogne-sur-mer



Juste un passage éclair pour féliciter l'excellent résultat d'Europe Ecologie hier 07 juin aux élections européennes. Les différents courants écologiques de gauche se sont enfin coalisés sous l'impulsion de Cohn-Bendit, et dans une conjecture favorable (avec la sortie de Home, le film de Yann Arthus Bertrand) cela s'est traduit par un score très honorable, et une troisième place méritée dans les résultats nationaux. Une leçon que devrait retenir un parti à l'organisation sclérosée et en panne d'idées ; je veux bien entendu parler du PS.

L'autre réaction que je tenais à faire partager ce lundi matin, c'est l'étonnante complicité des médias avec l'UMP, qui ne doit sa victoire qu'à la dispersion de l'opposition : si l'on additionne les scores des Verts et du PS, ces deux partis passent devant l'UMP. Le score cumulé de la gauche est supérieur à celui de la droite. Le nombre d'eurodéputés élus est équivalent sur l'ensemble de la France, le seul départage possible se trouvant au centre avec les (rares) élus du modem. Pourtant on veut nous vendre des cartes de France toutes bleues, alors que la gauche est en tête. Bizarre, bizarre. Peut être que les gauchistes français devraient méditer sur tout cela, le succès de la coalition verte et l'efficacité du parti de droite unique, s'ils veulent un jour gouverner.

Ah, une dernière chose, on a voulu dire que le vote sanction a été sanctionné. Si l'on s'en tient au modem et au PS, oui, cela est vrai. A mon avis, le vote sanction a existé. C'est le vote Europe Ecologie, le parti qui a eu mon suffrage lors de ce scrutin.

Ma source : lemonde.fr (il serait sûrement très intéressant de lire ce que libération a pensé de ces européennes, mais je suis au boulot).

vendredi 29 mai 2009

Les affres de la spécialisation et du parasitisme



Me voici en train de déambuler dans les couloirs de Nausicaa, centre national de la mer, et je découvre une exposition de photos au sujet des abysses. On y trouve notamment des clichés de ces écosystèmes insolites qui se créent autours des « souffleurs noirs », ces rejets de sulfures chauffant l’eau à plus de 300° C. Le représentant le plus emblématique de la faune peuplant ces régions inhospitalières des fonds marins sont les vers sans bouches. Ils n’ont pas de bouche, pas de tube digestif, rien. Ils vivent au crochet de bactéries qu’ils hébergent et qui pratiquent la chimiosynthèse : création de matière organique à partir des éléments chimiques. Les vers hôtes subsistent de l’activité de ces bactéries. Ils vivent leur existence morne, sans vue ni stimuli d’aucune sorte, dépendant du bon vouloir de ces être qui vivent en eux. Ils ne font aucun effort, c’est une existence « facile ».
Voici le contenu de la pancarte :
« Riftia pachyptila Jones 1981

Ce grand vers tubicole n'a pas encore révélé tous ses secrets. Sans bouche ni tube digestif, il doit son exeptionnelle croissance aux bactéries qu'il abrite dans son corps et qu'il alimente en oxygène, sulfure et gaz carbonique via sa branchie et ses hémoglobines. Mais comment contrôle-t-il ces populations si actives ? »

Le problème, c’est que les souffleurs noirs ne sont qu’éphémères. Dès lors que la dorsale « déménage » sous l’effet de la tectonique des plaques, ils deviennent inactifs. Cela signifie une pénurie de sulfure et donc de la chimiosynthèse et donc la mort des vers immobiles et fixés fermement à la roche du fond de la mer. On imagine fort bien ce qui se passerait si les colonies de bactéries venaient à mourir pour une raison ou une autre. C’est peut être facile de vivre sous la dépendance d’autrui, mais l’on se retrouve bien démuni quand son bienfaiteur vous abandonne ou ne peut plus subvenir à vos besoins. Ce triste sort n’est pas exclusif à cette espèce. Les bourdons, les reines des fourmis, tous les parasites : beaucoup d’espèces du monde vivant ne peuvent vivre sans d’autres espèces qu’ils exploitent. Cette dépendance qui s’apparente à de la fainéantise à un prix : une vulnérabilité exacerbée. Et qu’on se le dise, être une huitre ou un vers sans bouche n’est ni la vie la plus intéressante, ni être la créature la plus intéressante. Aux vers et aux bivalves, je préfère largement le requin, grand voyageur aux sens exacerbés et à l’alimentation carnée variée.

On l’a vu, les vers meurent en masse quand les souffleurs s’éteignent. C’est le triste sort qui attend les poissons des marécages si leur point d’eau s’assèche. Ne pas pouvoir bouger, rester ancré, voilà la pire faiblesse face aux changements, et aux cataclysmes (qui sont une forme de changement, certes extrême, mais un simple changement).

L’immobilisme nait souvent de la sensation de se sentir protégé. Comme une huitre dans sa coquille, comme une tortue sous sa carapace. Mais aucune barrière n’est imperméable, et qu’arrive-t-il à une huitre donc un prédateur quelconque parvient à ouvrir la coquille ? Elle se fait gober aussi sec, sans aucune chance de pouvoir se défendre. La sécurité est souvent illusoire, et incite au relâchement. Et par là, hélas, bien souvent aux mauvaises surprises.

C’est surtout vrai pour de nombreuses espèces insulaires que l’évolution transforme en pygmée par manque de prédateurs. Ces espèces se reposent sous leurs lauriers et s’affranchissent de défenses naturelles, à en devenir débiles. L’éléphant nain de l’île truc muche grand comme un cygne, la rétine, heu rhytine de bidule lente et facile à pêcher, le pouissant dodo de Madagascar ou encore cette espèce d’oiseau insulaire détruite en une nuit par UN chat. Chat, animal respectable par sa nature adaptable, changeante, etc. Il est le nécessaire mouvement de la vie, fragile mais puissant car il n’a pas d’attache et peut explorer toutes les contrées de l’Egypte à la Norvège. L’immobilisme tue.



"Fais dodo !"


C’est marrant, quand j’étais gamin, mon livre de chevet était un ouvrage de vulgarisation sur les animaux préhistoriques. Combien d’espèces ont disparu parce qu’elles étaient trop spécialisées ?! Dans le descriptif d’unetell : la ligné s’est atteinte car, trop spécialisée, elle n’a pas su s’adapter aux changements du climat. Deuxtelle, trop spécialisée, ne s’est pas adaptée à la destruction de son habitat par l’homme. Troistelle était trop spécialisée, et n’a pas supporté la concurrence de quatretel.

On l’aura compris, faire une seule chose de manière quasi parfaite, c’est bien ! Enfin, tant que cette chose en question permet de vivre. Le revers de la spécialisation, c’est qu’en dehors du domaine de spécialité, c’est le désert, l’impuissance. Retirer ce domaine de spécialisation, et il ne reste plus rien.
Le caméléon, voilà ce qu’on devrait tous être, ou un transformiste capable de changer de costumes en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Polyvalence. Adaptabilité. Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, même si on est sûr de son coup. A titre personnel, je ris jaune d’un souvenir de sacoche oubliée (et donc manquante par la suite) comprenant mes clefs d’appartement, de voiture, mon portefeuille, mes papiers…

L’exclusivisme a cela de confortable qu’il demande une attention moindre, moins de mémoire, moins de concentration. Avec ma sacoche magique, je sais toujours où sont mes clefs. Je n’ai pas besoin de faire toute mes poches pour les retrouver quand je suis devant ma porte d’entrée. Le revers, on vient de le voir.

Je parle de mes papiers, mais c’est partout pareil ! C’est comme avec mon répertoire téléphonique. J’en ai des tonnes : un répertoire papier, celui sur mon téléphone portable, encore un sur ma messagerie électronique, encore un sur un site de socialisation… Au moins quand j’ai égaré mon téléphone, je n’avais pas tout perdu. On peut faire la même remarque avec les sauvegardes de données informatiques…les disques durs ça s’efface, et parfois sans que cela soit voulu. Alors soit, c’est pénible de tout morceler. On ne sait jamais où trouver ce que l’on cherche. On passe des heures à tout remuer pour mettre la main sur le bon élément au bon moment (et encore, c’est si l’on ne procède pas à un minimum de rigueur et d’organisation). Il faut en permanence se dire ce que l’on a, où, etc. c’est une gymnastique intellectuelle et logistique nécessaire.

En un mot comme en cent, se résumer à une seule identité, un seul visage, est une chose à éviter. Rappelons-nous qui nous sommes. Rappelons-nous que nous avons plusieurs masques, plusieurs cordes à notre arc. Ne soyons pas un ver sans bouche, soyons des prédateurs agiles et plurivalents. Ayons la fierté et l’orgueil d’être des animaux évolués et complexes.

Doc G, Lille-Boulogne, le 24/05/2009

samedi 23 mai 2009

L’odyssée du bathyscaphe, épisode six: Les mouettes





Ainsi au septième jour avions-nous quitté le labyrinthe, ce piège insidieux que nous avait tendu cette banquise que nous cherchions à défier. Et de nouveaux dangers attendaient bien de nous prendre dans leurs filets. Nous n’allions pas tarder à l’apprendre. Attiré tel une phalène par le peu de lumière solaire qui perçait par l’épais manteau de glace, le bathyscaphe s’approcha le plus possible de la surface de l’océan. Cela me soulagea un instant de voir le monde par mes yeux, et non par l’artificiel projecteur de notre prison ronronnante. L’océan reprit sa couleur turquoise et en sembla instantanément moins glacial. Il me remémora même les menthes à l’eau que je dégustais par ces belles après-midi d’été alors que je n’étais qu’enfant. J’élevai le regard. Alors que je cherchais ce soleil qui nous avait tant manqué, ma curiosité fut captée par une dizaine de silhouettes noires et presque fantomatiques. Elles effectuaient inlassablement des rondes régulières et concentriques, visiblement juste au-dessus de nous.
- Hey doc’ ! , m’apostropha le capitaine B, Voyez-vous ça ! L’annonce de notre mort n’est pas tombée dans l’oreille de sourds, les vautours sont déjà là à se disputer notre charogne !
Il se mit à rire bruyamment, comme pour se réjouir une fois encore de notre survie miraculée et célébrer notre réussite.
- Bien d’accord avec vous, capitaine. Navrés de les décevoir, la cuvée attendra. Je suis tout de même bien étonné de rencontrer des oiseaux par ces latitudes. Je pensais que seules les sternes arctiques s’aventuraient aussi près du nord du monde. Mais ces animaux sont trop gros pour être des sternes.
- Voilà qui est consternant ! Bien monsieur le professeur, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
- Oh, soyez en sûr, capitaine.
Je me levai de la banquette où Shââ était lui aussi paisiblement installé, pour me saisir du périscope à infrarouges. Je fixai longuement ces oiseaux de malheur et réglai l’instrument avant d’avoir un visuel satisfaisant. Lorsque ce fut le cas, un gémissement m’échappa. Des mouettes ! Des mouettes rieuses qui émettaient sûrement leur cri si célèbre à chacun de leur ouverture de bec intempestive. Que pouvaient-elles bien faire ici ? Par quel prodige planaient-elles au-dessus de l’océan arctique… au-dessus de nous ? Si j’avais été Christophe Colomb, je me serais réjoui de la vision de ces oiseaux côtiers. Je me contentais, moi, de ne pas savoir quoi en penser. Divers hypothèses savantes plus ou moins cohérentes se bousculèrent anarchiquement dans mon esprit.
B. s’amusa de mon air hagard, puis le silence se fit dans le bateau. Puis le silence se fit pesant dans le bateau. Les mouettes nous suivirent de nombreuses minutes, avant qu’une des leurs, plus téméraire que les autres, ne piqua vers nous. Elle fut rapidement imitée par de ses comparses. Agacé, B. prit la mouche.
- Ah, ces mouettes ! Elles rient à gésiers déployés, elles doivent prendre le sous-marin pour un gros, un très gros poisson. Moi j’vous l’dis, doc’, qu’elles en profitent ! Parce qu’elles riront moins quand je serai sorti ; et qu’en file indienne elles rôtiront autours de la pique où je les mettrai. Ca pour sûr, elles feront une belle brochette, j’en salive déjà !
Sur ce, il proféra quelques jurons de rigueur, puis de dépit, frappa la barre de son pied. D’abord amusé de la moue que je devinai sur son visage après l’impact ; je songeai, évasif, à son rêve de gastronomie volaillère. J’en avais moins même plus que ma ration de poissons, ce pain de la mer, cet animal à sang froid aux chairs flasques dissimulées sous une armure d’écailles. Un peu comme notre bathyscaphe, il est vrai. A se demander pourquoi ces mouettes qui nous narguent en ont fait leur met exclusif. Ma rêverie affamée quitta alors nos compagnons à écailles.
Ah ! Les mouettes. Que j’aurais aimé me réchauffer de leur viande à sang chaud. Que j’aurais aimé promener mes mains flétries par le gel dans leur plumage chaleureux. Que j’aurais aimé que leurs cris stridents eussent traversé la banquise, l’océan et la coque pour tromper le silence qui régnait en véritable maître sur le bathyscaphe.
Cependant, je ne pus m’empêcher de croire que le capitaine avait tort. Ces graciles volatiles étaient bien plus que des proies. Eprises de liberté, les pêcheuses se riaient des courants d’air frais, de la mer de glace et de la banquise impénétrable. Elles survolaient.
Les voir s’ébattre avec légèreté et tutoyer Apollon me rappela douloureusement nos propres difficultés à évoluer dans un milieu plus contraignant. Peut-être devrais-je voir leur liberté comme un cap, me dis-je, plutôt que laisser mon estomac nourrir mon monologue intérieur.
Derrière le miroir de la banquise, le hublot du bathyscaphe déformait l’apparence de nos agresseurs. Ces oiseaux, par ailleurs pas plus gros que des poules, paraissaient gigantesques. A tel point que même leurs sourires moqueurs en étaient presqu’intimidants. A contrario, pensé-je, de l’autre coté du miroir, notre sous-marin devait sembler d’autant plus grotesque. Avant de me rectifier bien vite : leur prêter un tel jugement serait bien trop les humaniser, elles qui ont un cerveau d’oiseau. Sûrement ne nous distinguaient-elles même pas à travers les vitres du bathyscaphe.
Ce fut Shââ qui me tira de ma réflexion. Le petit félin, visiblement intrigué par les volantes, se plaqua au sol, ventre à terre, la queue virevoltant de droite et de gauche, avant de bondir vivement en direction de ses proies. Bien entendu, le hublot refusa fermement que son bond n’aboutisse à quoi que ce soit. Le chat retomba sur ses pattes, avant de fuir par quelques pas affolés et se lécher la patte comme ceux de son espèce ont l’habitude de le faire quand ils veulent se faire oublier. Cela n’empêcha nullement B. et moi-même de rire de bon cœur aux exploits de ce si vif chasseur.
- Au moins, il aura essayé, lui ! , s’écria le navigateur entre deux gloussements. Je reconnais que même à la surface, même avec ma meilleure carabine, ce serait pas évident de leur caler un plomb dans le cul. Voyez comme elles virevoltent, ces garces ! J’ai jamais vu des piaffes voler de façon si erratique.
- Je ne suis pas ornithologue, mais je suis d’accord avec vous. La chasse serait plus aisée si leur comportement n’était pas si…illogique. Je marquai une pause. Heureusement ! Nous ne sommes pas ici pour jouer au balltrap et tirer du gibier, mais pour atteindre le pôle. Vous vous souvenez ?
Le navigateur me répondit en étouffant son amertume.
- Mouais, vous avez raison. Ce ne sont pas ces maudites bécasses qui vont nous détourner de notre vrai cap ! Allez ! A vos compas, doc’ ! Le pôle nous attend, pleine vapeur !!
J’applaudis son enthousiasme retrouvé, puis je détournai mon attention des cieux pour les eaux sombres vers lesquelles nous filions droit. Que nous réservent ces profondeurs abyssales ? Quels mystères devront-nous éclaircir avant d’atteindre notre destination ? Quelles nouvelles découvertes nous attendent au-delà de l’obscurité ? L’épopée continue…

Docteur G. , Lille, le 28/09/2008

samedi 16 mai 2009

L’odyssée du bathyscaphe, épisode cinq: Les labyrinthes





Le début de la traversée fut une croisière. Un MP3 sur les oreilles, je surveillais nuits et jours les écrans de contrôle des sondes pour la recherche de poches d’hydrocarbure, mais aussi les hublots. Ils étaient une fenêtre ouverte sur le monde maritime plus parlante et plus directe que les instruments de mesure. Au moins pouvais-je voir les poissons par mes propres yeux… à une vitre près. Deux, en considérant mes lunettes de myope.
Le confort était inversement proportionnel à l’intérêt scientifique de ces premiers jours. Nous avions beau savoir que le manque de surprises venait du fait que nous n’étions pas encore assez loin, l’enthousiasme du début était vite redescendu, au profit d’une routine qui s’installait. Et cela pour la plus grande fureur du capitaine qui déversait dans la cabine son lot de jurons quotidiens. « L’ennui est plus difficile à briser que la glace », répétait-il à l’envie. Il allait bientôt déchanter.
Entre 48 et 72 heures après notre premier ravitaillement, nous avions pénétré dans une zone où la banquise se fit plus épaisse. Plutôt que de passer dessous, le capitaine prit (assez autoritairement et unilatéralement) la décision d’emprunter ce qui lui semblait une galerie traversant la glace. Si les phoques en étaient capables, pourquoi pas nous ? Et ainsi, nous étions censés voir plus de chose, si on ne perdait pas de temps bêtement à contourner des obstacles « aussi simples ». Sic.
Après avoir cheminé le long du tunnel, à peine assez large pour nous accueillir, nous rencontrâmes un cul de sac. Le tunnel devenait bien plus étroit, et même si Shââ disposait d’un scaphandre, il aurait du mal à s’y infiltré. Le capitaine pesta contre l’absence de « vraie fonctionnalité de marche arrière ». Il coupa les moteurs et le sous-marin se retrouva immobilisé. Il paru effondré.
- C’est de ma faute, je n’aurais pas du prendre autant de risque.
- Ne vous en faite pas capitaine, la navigation est plus difficile que vous ne vouliez l’admettre, et la banquise un adversaire plus coriace que vous ne l’imaginiez. Ce n’est pas vous qui êtes à blâmer, mais les obstacles qui sont conséquents. Croyez-moi.
- J’aimerais faire preuve d’autant d’indulgence à mon égard que vous. Mais ce n’est guère évident, je suis exigeant envers moi-même, perfectionniste, et l’échec m’insupporte ! Surtout que celui-ci va peut être scellé notre sort !
- Ne paniquons pas, ne paniquons pas !
Dans le sous-marin, malgré tous nos efforts, l’ambiance tourna vite au vinaigre. La colère déjà prompte du capitaine était fréquemment ravivée par les miaulements agaçants de Shââ, qui ne comprenait pas notre agitation. Moi-même n’arrivais pas à aligner deux idées, dérangé par le bruit, par l’air confiné qui commençait à se charger en dioxyde de carbone et en phéromones de stress, et par l’enjeu de ce nouveau puzzle : s’en sortir, ou mourir prisonnier d’un glaçon géant.
Alors que ma pensée devenait vraiment circulaire et ne menait nulle part, tout comme le chemin que nous avions emprunté, le capitaine bouillonnant et survolté décida une nouvelle fois de prendre les choses en mains. A sa façon, à savoir impulsivement. Il mena le bathyscaphe droit devant, dans le mur ! (…) L’affolement fit vit place à la surprise. Au lieu de nous encastrer dans le mur, nous passâmes à travers ! Je vis la glace se briser par à coup. Elle présentait visiblement des fragilités, des zones moins épaisses qui cédaient peu à peu du terrain. Le capitaine le comprit vite et fit imprimer au bathyscaphe des mouvements de bélier. Nous finîmes par traverser, et atterrir dans un nouveau tunnel assez semblable au précédant.
- Haha ! Et voilà le travail ! Bien doc, où allons-nous maintenant ? Une chance sur deux !
- Hum, c’est difficile à dire. Nous devrions retrouver ce genre de faille. Je vais utiliser l’analyseur thermique et l’échoradar pour déterminer où la glace est plus fine.
- Bien à vous.
Après consultation des données je lui indiquais une direction.
- Vous êtes sûr ? Nous ne pourrons pas faire marche arrière, je vous rappelle.
- Certain ! Poursuivez à droite, puis je vous indiquerai quand braquer à gauche, la glace y formera un mince voile. Vous allez devoir me faire confiance.
- Grr ! Je déteste qu’on me pilote et dépendre d’autrui.
- Chut, laissez-moi me concentrer ! (…) Voilà, nous nous approchons, parcourez encore six mètres… (…) Allez-y maintenant !
- C’est parti !!
Je le vis jouer énergiquement avec la barre. Le sous-marin se braqua brusquement à 90° et perça la « porte » glacée avant de débouler dans un nouveau tunnel.
- Ah, c’est pas possible ! C’est un vrai labyrinthe !
- Oui, et un labyrinthe où il est interdit de rebrousser chemin pour l’explorer. Mais il n’y a aucune raison que la méthode qui a déjà fonctionné ne marche plus à l’avenir. Conduisez doucement, ce sera long mais pas difficile. Une simple histoire de patience.
- Je n’en dispose malheureusement pas à profusion !
- Dites-vous que si vous ne me laissez pas me concentrer, nous allons finir bloqués. Gardez vos forces pour les manœuvres et les passages en force.
- Mouais, vous avez raison, chacun à son poste. (…) Nous n’avons peut être rien à gagner ici, mais au moins c’est divertissant ! Enfin un peu d’exercice !
S’engagea alors une longue résolution de puzzle pour nous extirper de ce piège de cristal. Je luttais avec mon angoisse de l’erreur stupide, avec l’envie d’aller (trop) vite du capitaine et avec Shââ qui venait se frotter à moi où passer entre les écrans et mon nez en ronronnant bruyamment. Les tunnels suivant étaient bien plus longs, et nous passions une porte environ toutes les 24 heures. Entre temps, nous envoyions des appels de détresse, nous dormions peu de peur de rater une brèche, et nous regardions nos barbes pousser et nos cernes sous les yeux se dessiner.
Quand nous passâmes la huitième porte (en comptant celles de la première journée), nous réalisâmes que cela faisait six jours que nous étions dans le labyrinthe. Le capitaine commençait à désespérer et à ressasser que nos ressources arrivaient à échéance.
- Voyons capitaine, la situation est préoccupante, il est vrai, mais nous nous approchons. A chaque porte l’échoradar nous indique une épaisseur sus-jacente de glace plus faible. Nous nous dirigeons vers la surface !
- Où allons-nous ?! Où allons-nous ?!
Je le sentais en sueur et délirant. Il avait fort peu dormi et avait tari les stocks de café pour ne pas s’assoupir. Il était très nerveux, à tel point que son stress en était presque contagieux, et qu’on sentait le sous-marin trembler de concert avec ses muscles encaféinés. Aussi, il exulta quand je lui appris que la neuvième porte se situait à seulement quelques mètres de la surface, et peut être moins du fait de l’imprécision potentiel des capteurs !
La dernière « porte » brisée nous fit effectivement parvenir à la surface. Ce minuscule affleurement de l’océan nous permit d’aérer le sous-marin et de nous-mêmes nous évader après une longue semaine de captivité. La capitaine et moi nous étirâmes en baillant pour remplir nos poumons d’air frais. Shââ sortit également se dégourdir les pattes, moyennant quelques glissades sur la surface verglacée.
C’était plaisant de ne plus se sentir prisonnier, même si à aucun moment nos vies n’ont été réellement menacées. Le vent qui nous balayait sans ménagement nous semblait presque nous avoir manqué. Quant à revoir le soleil en face et en direct, cela nous paru un véritable régal.
- Je tenais à vous féliciter, docteur. Et profitez-en, cela ne m’arrive pas souvent !
- Et bien… merci !
- Nous avons fait une bonne équipe tous les deux. Je ne pensais pas que vous feriez face à l’imprévu avec tant de ressources.
- Oui, je reconnais que je préfère quand les choses sont calées à l’avance… Mais peu importe, nous nous en sommes sortis, c’est le principal !
Un hydravion alerté par nos appels au secours incessants vint se poser quelques minutes après notre apparition. Il nous réapprovisionna en nourriture et en eau potable. Le pilote nous félicita pour notre ténacité et notre abnégation avant de nous souhaiter bonne chance.
Après que l’avion eût décollé, les miaulements de Shââ attirèrent notre attention vers un phoque rampant sur la banquise à une vingtaine de mètre de là. Je fus fasciné par ce mammifère massif si court sur pattes, si pataud et pourtant si souriant sous ses moustaches. Après avoir pris quelques photos, je songeais à m’approcher pour consacrer davantage de temps à l’étude de l’animal, quand il fut abattu d’un coup de révolver en pleine tête. Shââ sursauta, le phoque s’effondrât.
- Pas de temps à perdre.
- Capitaine, vous exagérez, dis-je sur le ton de la réprimande moqueuse. Il avait une tête sympathique.
- Si sa tête vous revient, je vous la laisserai. A table. Vous verrez, cette bête sera encore plus sympa dans nos assiettes. Aidez-moi à charger la carcasse à bord. Je la dépècerai plus tard.
- Ainsi soit-il, capitaine. Reprenons notre route, maintenant que la voie est libre.
Après avoir installé l’infortuné phocidé dans son nouveau cercueil frigorifique, nous étions ainsi sur le départ. Quels dangers pires que les labyrinthes nous guettaient-ils ?


Doc G. Lille, le 30/04/2009

jeudi 7 mai 2009

Les vaches




Allongées dans les prés sont les donneuses de lait,
Sur l’herbe, dégustant avec délice le foin
Préparé par un agronome avec soin.
Elles regardent les trains, font la sieste et sont en paix.


On les dorlote comme des princesses des pâturages.
Elles reçoivent vaccins et antibios pour survivre
Avec pour seule mission celle de bien se nourrir,
Ignorant, malheureuses, que ceci n’est qu’engraissage.


Autant leur vie fut paisible, leur fin n’est pas drôle.
Elles finiront coupées en tranches comme une pastèque
Dans nos assiettes sous la forme d’un juteux steak.


A l’inverse d’elles, ne passons pas à la casserole.
Les hommes ne sont du bétail et vivent centenaire.
Alors du nerf, et joyeux cinquantième anniversaire !

Baptistisime

dimanche 3 mai 2009

L’odyssée du bathyscaphe, épisode quatre: Les Ours :




Nous parvînmes finalement au bord de la banquise. Le cuirassé jeta l’ancre à proximité de cette côte d’un genre particulier. Le commandeur, le capitaine et moi-même prîmes une chaloupe pour aller nous dégourdir les jambes sur ce continent gelé.

Nous eûmes alors l’agréable surprise d’apercevoir trois ours polaires, Ursus maritimus, à une centaine de mètres, visiblement occupés à pécher le phoque.
Le capitaine se fit amener un fusil, et mit l’un de ces plantigrades en joue.
Le capitaine n’était pas du genre frileux. Nous portions tous d’épais manteaux pour nous protéger des températures fortement négatives, lui se contentait d’une vulgaire écharpe et d’une paire de gants légers. Visiblement juste là pour que ses doigts ne s’engourdissent pas et qu’il puisse se servir de son instrument de mort de façon normale. Sinon, il arborait son costume habituel, un uniforme rouge sur mesure bien ajusté qui mettait en évidence ces larges épaules et sa grande taille. A droite de sa ceinture, il portait une fine épée, sûrement plus pour l’apparat qu’autre chose, et à sa gauche, un révolver engainé. Peut-être rêvait-il de devenir académicien. Ne serait-ce que pour se faire appeler « immortel ». Le capitaine ne souriait jamais, entretenant visiblement volontairement un regard de félin effarouché et une barbe de trois jours. Un vrai bad boy d’opérette pensé-je.

- A quoi bon le tuer ? Lui fis-je remarquer.
- Je suis en manque de sang. Je suis un militaire qui a été sevré de batailles et de meurtres. Je vais finir par perdre la main si ça continue !
- Oui, mais pourquoi blesser cet animal en voie de disparition ? Les ours blancs et amicaux se font rares de nos jours, et se reproduisent lentement. Ils sont précieux. Si c’est le geste et le sport qui vous excitent, pourquoi ne pas lui envoyer une fléchette somnifère ? Nous en profiterons pour effectuer tous les tests zoologiques de rigueur : mesures, pesée, prise de sang, injection d’une puce électronique. La recherche française vous en sera reconnaissante.
- Ah ? Bien, si ça peut vous faire plaisir.

Le militaire baissa son arme, puis la chargea avec la munition d’un nouveau type que je lui présentais. Les militaires sont faciles à convaincre, employer « France » et « reconnaissance » dans la même phrase, et le tout est joué. La fierté du capitaine est sûrement son talon d’Achille tant elle le rend prévisible.
Ce n’est cependant pas ce changement d’arme qui déstabilisa le tireur. La première détonation fut la bonne. Une mouche tsé-tsé vint piquer un des grands blancs qui piqua de la truffe quelques instants plus tard. Je m’approchai alors pour mettre mes menaces à exécution.

- Hum, c’est grâce à leur fourrure et à leur graisse qu’ils sont si à l’aise ici. Nous n’avons pas ça, nous, explorateurs.
- Mais cessez donc de miauler, doc ! Nous avons notre boîte de conserve high-tech. Ca compense. Enfin non. Ca compensera.
- Je l’espère, capitaine je l’espère.
- Je vous préviens d’ors et déjà : interdiction formelle d’avoir froid aux yeux avec moi ! J’ai barroudé sur toute la planète, c’est pas pour avoir des frissons maintenant.
- Soyez rassuré, j’ai bien trop attendu ce moment pour laisser mon appréhension avoir le dessus. Mais vous savez, je suis un scientifique, allergique de nature à l’imprévu et aux incertitudes.
- N’y pensez pas encore, aux petites pannes ! A cœur vaillant, rien d’impossible.
Le marin interrompit alors notre dialogue.
- Voilà la mentalité qui me plait, capitaine ! Vous allez voyager en conquérants tous autant que vous êtes. Rappelez-vous que l’objectif n’est pas de vous précipiter au pôle. Flânez, découvrez, prenez le temps nécessaire. Ramenez-nous des infos, des vraies, pas des brouillons. Je suis certain que ce voyage vous sera enrichissant à titre personnel. (…) Allez, mes amis ! Votre embarcation est prête, et le Grand Nord vous attend. Soyez brillants et réfléchis.
- Comme la glace, marmonna la capitaine en saluant au garde à vous son supérieur.

Nous embarquâmes à bord du bathyscaphe quelques instants plus tard, après avoir avalé une dernière bouffée d’air frais, et même plus que frais. Au moins à l’intérieur nous pûmes nous défaire de nos lourds anoraks, gants et écharpes, et respirer un air à température ambiante.

L’intérieur du sous-marin était spacieux et de nombreux hublots laissaient pénétrer la lumière provenant de l’océan. Les reflets bleu turquoise inondaient la pièce centrale, reproduisant l’atmosphère féérique que l’on trouve dans les grands aquariums. Une table pour manger, une cuisine, la cabine de pilotage, des chaises et des banquettes, les instruments de mesure scientifiques : la majorité de l’équipement et des facilités de vie quotidienne se trouvent ici.

- Nous allons partager cet espace un moment, dis-je alors au capitaine.
- Ouais. J’vous cacherai pas que j’ai plus l’habitude de travailler en solo. Mais vous me dérangez pas (…) Tant que vous me touchez pas, ça ira entre nous !
Sur ce, il éclata de rire et mit les machines en marche.
- Ca, il n’y a pas de danger ! Et voilà le voyage qui commence !

J’étais excité comme un gosse en voyant les marins nous saluer depuis la banquise, sentant les moteurs vrombir, la tôle se mettre brusquement en mouvement, mais également le sol imaginaire de la surface de la mer se dérober sous nos pieds.
Le capitaine se laissa glisser, suivant les consignes des radars et des cartes pour trouver sans heurts un passage sous l’épaisse enveloppe de glace.
Alors que nous faisions route en avant à faible allure, les ours suivirent le navire tels des dauphins d’un autre genre. Ils dansaient élégamment devant nos humbles, faisant le show sans inquiétude. Pirouettes, vrilles, roulades, sprints, toute la gamme des cabrioles fut jouée sous nos yeux.

Ces gros carnivores semblables à des peluches ne laissaient pas le petit chat du capitaine indifférent. Perché sur une table, faisant face à un hublot, le chaton observait, donnait des coups de patte curieux contre la vitre, faisait parfois le gros dos ou crachait quand les ursidés lui accordait de l’attention.

- Shââ, arrête ça, tu veux ! Tu me fatigue.
- Il se prénomme chat ? C’est un peu banal.
- Non, pas ça, pas chat, Shââ !
- Ah, comme le roi perse ?
- Ouais, un peu comme ça.
- D’ailleurs, c’est un persan ?
- Bah non, c’est un européen, ça se voit.
- Vous êtes ironique ?
- Bien sûr que non ! C’est vous le zoologue, nan ? Européen, c’est une race de chat. Le mien est un iranien, c’est vrai, mais pas un persan !
- Ah, très bien capitaine. Ne vous fâchez pas.
- Je ne me fâche jamais ! Ca ne sert à rien. Ca m’arrive de piquer des colères, c’est vrai, mais ce n’est pas exactement la même chose. Mais laissez-moi vous raconter l’histoire de cette boule de poil. Ca passera le temps.

C’est ainsi que notre voyage sous la banquise débuta autours de récits pour nous connaître mieux, nous, les trois explorateurs embarqués sur le bathyscaphe, Shââ, capitaine B et doc G. Nous étions tous dans la même galère. Quelles bonnes surprises ce voyage allait-il nous réserver ?

Docteur G.

jeudi 30 avril 2009

Les yeux plus gros que le ventre

Mon plaidoyer CONTRE la croissance et CONTRE la natalité.

Il faut savoir faire la part des choses entre le syndrome de Peter Pan et celui de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. Bien sûr, grandir est important, atteindre sa taille adulte une saine ambition et surpassement, progrès et envie d’aller de l’avant de bons mots. Cependant, il faut savoir s’arrêter avant d’exploser comme la grenouille de la fable.

Toujours vouloir repousser les limites devient dangereux si l’exercice est poussé au-delà de certaines lois de l’Univers. Les expérimentateurs d’alcools, drogues et substances illicites ne pourront jamais (malgré « l’entrainement ») outrepasser les quantités que leurs corps n’est physiologiquement pas capable d’absorber. Les scientifiques ont déjà calculé la vitesse maximale d’un coureur de 100 mètres et la longueur qu’un sauteur ne dépassera jamais en un bond. Ces records imbattables sont conditionnés par les lois de la physique mécanique. La croissance humaine, quels que soient les efforts investis dans l’optimisation de la production, la gestion de la redistribution et du plein emploi, cette croissance sera toujours limitée par des ressources naturelles elles-mêmes limitées.

La conception linéaire et positiviste qu’a l’Homme de l’existence est par ailleurs une illusion. Croire que nos enfants auront un vécu plus heureux et plus facile est une douce utopie car l’Histoire est circulaire et non linéaire (contrairement à une vie humaine). Les peuples, comme les espèces d’ailleurs sont voués à connaître apogée et décadence, croissance et récession. Ne serait-ce que parce qu’à un moment, les civilisations n’ont plus les ressources matérielles pour maintenir leur niveau en l’état.

Une fois le haut atteint, il faut redescendre avant de pouvoir remonter. C’est la logique sinusoïdale. C’est comme la respiration. On inspire, et quand les poumons sont pleins à craquer, on expire. C’est lâcher du leste pour mieux reprendre de l’altitude. C’est l’apoptose, suicide organique des cellules séniles afin de bâtir un organisme jeune.

En fait, le fait que l’on veut à tout prix voir la vie de l’espèce humaine comme une ligne droite traduit une forme de crainte de la mort. Ce n’est pas de la générosité si l’on bataille pour un monde meilleur pour nos héritiers. Mais pour tenter de donner un sens à nos vies et laisser une trace qui nous survive. Soit un mobile plutôt individualiste et égocentrique.

Le 26/04/2009 :
Pour dire vrai, les humains pullulent comme des moisissures sur de la nourriture laissée à l’abandon. Et si ça continue, la place et les nutriments viendront à manquer sur cette tartine avariée qui semble inépuisable.
Les vieux reflexes que sont l’instinct de procréation et celui de grandir à tous prix, à manger le plus possible, vont conduire inexorablement à la surpopulation humaine. Car l’humain est un super prédateur, qui a pour seuls prédateurs les tueurs en série (l’Homme est un loup pour l’Homme) et les virus. Les premiers se faisant rares et les seconds étant peu à peu victimes de la médecine et des politiques hygiénistes humaines.

La survie et la réussite sont les pires menaces qui pèsent sur l’Humanité. Pourtant cette dernière pourrait limiter sa population et ses besoins avec un peu de bon sens, en faisant un peu fumer leur cerveau, ce bout de viande dont elle est si fière. Je me suis dit une fois dans le métro lillois :
« Font chier les roms, arrêtez de vous reproduire pour pondre des mendiants.
Quelle idée de faire des gosses sans pouvoir les élever et les aider après leur naissance. Je trouve cela bien cruel et égoïste, d’infliger ce monde dangereux et surpeuplé à un être humain sans lui donner les armes pour s’en sortir et les moyens de profiter pleinement de ce que la vie a à offrir. C’est comme offrir une voiture sans essence et sans ressource. Misère du monde. »

A croire au final que la raison et l’esprit citoyen sont moins forts chez l’homme que l’égoïsme et l’envie de se multiplier comme des bactéries.
Je n’ai pas vraiment de solutions pour conclure ce papier. Un début de progrès serait d’apprendre non pas à se satisfaire de ce que l’on a, mais surtout de renoncer à ce que l’on ne peut avoir. Et de se dire que la qualité doit l’emporter sur la quantité. Crachons sur les démarches d’ivrogne et tout cela sera un peu plus propre dans notre monde et dans nos têtes.

Les rêves mentent-ils ? Épisode 53

Je m’endors dans une dense forêt en tant que militaire portant un long anorak vert kaki. Je suis assis dos à un arbre au large tronc. Je suis légèrement armé, d’un simple révolver. Si je me trouve ici et maintenant, c’est qu’un tireur d’élite cherche à m’abattre. Je me souviens de la fusillade, qui a eu lieu dans un épisode précédant avec une fin cliff hanger, incertain de ma survie. Finalement, je suis parvenu à me mettre « à l’abris ». A couvert ; dirons-nous. La fusillade s’est calmée et un duel de patience s’engage entre mon adversaire invisible (mais que je connais personnellement) et moi-même. Le ciel forestier verse sur moi une fine pluie fraîche qui se mêle à ma sueur et à mon adrénaline. Il est bien sûr hors de question que tout finisse ici et que j’attende une aide extérieure improbable.
Je m’élance le plus silencieusement possible vers un autre arbre. Les quelques mètres parcourus me semblent une éternité. Arrivé à destination sans avoir essuyé de tir, je m’assois derrière cet arbre au tronc encore davantage épais. Mon esprit se remet alors à fonctionner de manière moins animale. Ce que je viens de faire est un jeu à quitte ou double. J’ignore en effet où se trouve le tireur ni de quel angle il a usé pour ouvrir le feu sur moi. J’ai présumé qu’il se trouvait en face de mon précédant refuge mais rien n’est moins sûr, il a très bien pu être décalé ou encore s’être déplacé depuis. Quelques secondes centenaires s’écoulent de même que les calculs dans mon cerveau. Il peut se déplacer… Et s’il n’a pas tiré, c’est que cela ne lui était pas facile de me toucher. Il y a de fortes chances pour que ma première idée fût la bonne : mes arbres s’interposent entre lui et moi. Ce qui implique deux choses. La première est que je suis hors de portée à l’heure instantanée. L’autre conclusion est que je si je m’enfuis droit devant moi, il ne pourra me toucher qu’il soit toujours en embuscade ou qu’il se déplace. Ma pensée explore en un éclair la fenêtre des possibles imprévus, puis je juge le seuil de risque négligeable. Je range mon arme et profite que l’adrénaline ne soit pas totalement descendue pour prendre la tangente. Je détale à toute allure comme un lièvre. Je parviens assez promptement à l’orée de la forêt. Etrangement, un panneau stop se trouve non loin, au bord d’une longue avenue de campagne caillouteuse. Il aurait été un peu moins illogique que ce fusse un panneau sens interdit, mais il me semble bien que c’était un stop. Pas de quoi m’arrêter en tout cas.

Je me mets à courir à demi retourné vers l’orée du bois, le révolver armé et en joue. Hors de question de prendre le risque qu’on tire dans mon dos.
Ayant remonté l’allée d’une grosse centaine de mètres de longueur, je tourne momentanément le dos pour dépasser la barrière qui sépare ce sentier champêtre de la voierie goudronnée. Jetant un nouveau coup d’œil vers le bois, je distingue une silhouette. Je me remets dans un reflexe en position pour tirer, et le coup de feu part tout aussi vite. Je fronce les sourcils, comme si ma vue était troublée. Félicitations Baptistisime, vous venez de tuer un panneau stop.

Au bord de la chaussée, plusieurs voitures sont stationnées. Une d’elle démarre (me fuyant ?) alors que je lui adresse un signe du pouce orienté dans la direction opposée (pour faire du stop). Le véhicule disparait au loin. ENCULE. Je continu la marche quand une voiture auto-école me dépasse. Je retente ma chance et obtiens gain de cause. Assez étrangement, une seule personne au volant, une petite vieille souriante aux cheveux blancs. Elle me conduit très gentiment et papote. Je m’étonne qu’une personne aussi âgée passe son permis (mais peut être est-elle monitrice). A ma demande, elle me donne son prénom : Amandine. Je m’efforce de me montrer souriant et bavard : nul besoin ni de dévoiler ni mon identité, ni ma situation, ni mon stress. Je prends par intermittence le volant de droite dans les virages de ce qui semble être une route bordant un relief de bord de mer. Je guide ma chauffeuse et me retrouve au 31 allée de la Navarre à Anglet, du côté de la grande pelouse. Je descends et salue Amandine de la main. Quelques instants plus tard, une voiture vient se garer le long du même trottoir. Les vitres teintées ne me permettent pas de distinguer le(s) occupant(s). Je me précipite à la porte avant droite et pointe mon arme vers l’intérieur de la voiture. Mais à bord, il n’y a qu’un couple de petits jeunes qui se payent ma tête avant de repartir en riant.

Je me dirige, incongru, vers la porte d’entrée, située sur le côté perpendiculaire de la propriété. Une autre voiture vient me dépasser et s’arrêter devant moi, quatre personnes à son bord. Je cherche mon arme de ma poche, épouvanté, alors que le passager arrière droit s’apprête à descendre de voiture. Peut être pour me tirer dessus. Je fais le cow-boy, la main poussant le pan droit de mon manteau pour chercher un révolver qui n’est bien sûr pas de ce côté-ci de ma ceinture, puisque je suis gaucher. Je rigole intérieurement de ma propre maladresse, avant de pousser le bon pan de mon manteau et poser une main rassurée sur mon arme, paré à me défendre. Mon adversaire apparait alors, il s’agit de S.P. Ouf, rien de dangereux, de la famille juste. Je reconnais alors son mari, E.P. , mon cousin R.P. enfant du couple à la place du mort et mon père qui conduit.

Je me détends et vois alors une image d’avenir où je distingue le visage de mon poursuivant profitant que je sois désarmé pour m’assassiner en face à face (alors que je dors me semble t-il). Je ne serai donc jamais tranquille. A cause de ma fuite, je vivrai toujours dans l’angoisse que mon ennemi m’abatte, moi ou ma famille. Mon seul médicament contre cette maladie chronique sera de ne jamais plus sortir sans mon flingue, ma nouvelle assurance-vie. Traitement à vie.

La seconde partie de cette nuit pleine de visions dérangeantes me vois dans une pièce sombre et inconnue où la seule vraie source de lumière est mon écran d’ordinateur. Je revis alors la vidéo visionnée la veille (19/04/2009) sur un site de social networking, intitulée « les filles et le sexe ». On y voyait une JF masque témoigner sur ses propres pratiques. Elle y racontait collectionner les amants d’un soir, se considérer elle-même comme un bout de viande que l’on transperce et aimer jouer le « rôle du connard qui rappelle pas », adepte du coup d’un soir donc. Le documentariste en voix off de conclure : « En se conformant aux modèles des films X, les femmes ont trouvé un moyen de prendre le pouvoir sur les hommes ».
Je suis alors hanté par des flashbacks où je me rappelle le paradoxe qui m’avait frappé chez MC². A savoir son ras le bol « des connards et des histoires sans lendemains » assorti d’une envie manifeste d’une relation un peu durable et d’un autre côté une insatisfaction chronique. Ce paradoxe qu’on pourra éventuellement mettre sur le compte d’une exigence démesurée (et donc insatiable) mais plus probablement une immaturité avérée (et plus probablement encore une conjugaison des deux) réveilla en moi des angoisses passée, un sentiment d’impuissance et d’un profond sentiment de gâchis.

Viennent alors de tendres visions de M.D., mon actuelle avec qui je suis très bien, mais qui ne dissipent pas le malaise. Malaise qui après interprétation, doit émaner davantage d’un manque de confiance envers les femmes et une appréhension des relations HF dans ce qu’elles ont d’incontrôlables et d’aliénantes dans mon imagerie personnelle. Malaise qui vire vite à l’angoisse. Ces pensées que je formulais éveillé et conscient il y a encore quelques semaines plus tôt viennent maintenant me pourrir pendant le sommeil. Elles sont aussi toxiques qu’inutiles, et bien qu’endormi, je décide de me rebeller contre elles. Et je le ferai avec pragmatisme et réflexion. Les « défauts » éventuels des femmes et ce qu’elles font de leurs vies est leur problème et non le mien. Il ne m’appartient pas de juger, seulement de composer avec. Voilà ce que je me dirai très prochainement. Dans l’heure, la tension insupportable m’éveille. Ouf, dans deux heures, je pourrai en parler à mon psychiatre.

mardi 28 avril 2009

L’odyssée du bathyscaphe, épisode trois: Les navires






Le lendemain, je donnai mes instructions au premier groom que je rencontrai. Après l’avoir sermonné longuement sur la bonne façon de s’occuper de mon chat et lui avoir donné une liste très longue de recommandations sur un ton quasi militaire, je me rendis dans un autre hôtel où devait avoir lieu la réunion. J’allais enfin savoir quelle serai ma mission.

Les couloirs de l’hôtel étaient désespérément vides. La moquette fraîchement aplatie par l’aspirateur était lisse et aseptisée. Aussi quand le soldat qui montait la garde à l’entrée de la salle de réunion me demanda si j’étais « l’expert en déserts » j’eus envie de lui répondre de manière désobligeante. Comme annoncer que ce ne devait pas être moi, puisque ce genre de désert urbain ne m’était pas encore connu. Mais ma bouche était bien sèche, je n’avais bu que deux cafés serrés avant de partir. Je m’abstins et entrai avec mon air désabusé des mauvais jours.
A l’intérieur se tenaient trois personnes quand je m’attendais à défiler devant une cohorte d’officiers austères. Mon regard croise ceux d’un officier de l’armée de terre, un de la marine et enfin d’un scientifique en blouse blanche.

- Ah, capitaine, nous n’attendions plus que vous pour commencer le briefing. Je suis le colonel CLEMENT et voici le commandeur FRANCK. Je vous présente enfin le Docteur G. qui sera votre coéquipier sur la mission.

- Messieurs.
Nous hochâmes la tête comme des automates pour nous saluer. Je parcourais le panorama de mes interlocuteurs pour les évaluer. Deux gradés bureaucrates sans intérêt aucun.
- Alors docteur, de quelle discipline êtes-vous diplômé ?
- Oh, il y en a trop, mais je suis docteur en glaciologie, si tel était le sens de votre question.
- Glaciologie ?! Je ne savais même pas que ça existait.
Sur ce, je sortais nonchalamment un petit miroir de ma poche et le tendait l’air impassible au bon docteur. Celui-ci contint un fou rire, avant de secouer négativement la tête, l’air amusé.
- Non non, pas ce genre de glace là ! Rit-il
- Ca se voit.
L’assemblée entière éclata de rire à ma remarque effrontée. Le docteur G. ne semblait, tout comme moi, pas avoir éprouvé le besoin de se raser ce matin-là. Il ne devait pas vraiment connaître l’usage des glaces réfléchissantes, à juger le retour à l’état sauvage d’une grande partie de sa chevelure brune grisonnante. Il devait bien avoir la quarantaine avancée. Du moins, les lunettes d’intellectuel que supportait son nez le vieillissait. Son air jovial et candide le faisait passer pour un enfant innocent ou pour un revenant d’un passé lointain. Une cravate dépareillée surmontant une blouse tachée complétait la panoplie de ce curieux personnage. Assez paradoxalement, le scientifique arborait un port plein d’assurance et de décontraction, les mains dans les poches et affichant le sourire calme et tranquille de celui pour qui tout va pour le mieux.
Le colonel prit la parole.

- Ah, ça me fait plaisir, vous semblez déjà bien vous entendre ! Ca tombe bien, car vous allez devoir vous supporter un petit moment. Commandeur ?
L’homme à l’uniforme bleu déroula alors devant nos yeux une mappemonde.
- Vous l’aurez compris, capitaine, vous partez en expédition scientifique en compagnie du professeur G. Votre destination, la voici.

De sa baguette, il désigna le Pôle Nord.

- Sauf votre respect, messieurs, cette destination n’a rien de fabuleusement exotique. De nombreux hommes y sont allés avant nous, dont des français. Est-ce cela donc la mission top secrète que vous évoquiez ?
- Vous avez raison capitaine ! Même l’emplacement exact du pôle a déjà été foulé par des sous-mariniers russes.
- En même temps, il n’y a plus guère de destinations inconnues sur Terre pour les explorateurs en herbe.
- Exactement ! C’est pourquoi l’innovation de ce voyage… sera de ne pas vous rendre là-haut en ligne droite. Ce serait trop simple ! Non, l’enjeu de ce voyage sera de vraiment connaître le Nord du monde, essentiellement ce qui se passe vraiment sous la banquise, cette épaisse couche de glace réfléchissant la lumière et rendant toute visibilité nulle.
- Je retire ce que j’ai dit précédemment, finalement le docteur G s’y connait en glaces réfléchissantes !

Le docteur émit un geste affirmatif de la tête avant de me faire signe d’écouter la suite du discours du commandeur.

- Aussi, vous utiliserez le dernier modèle de sous-marin d’exploration abyssal mis au point par la marine française pour vous rendre au pôle par voie sous-marine. Votre périple sera l’occasion de cartographier le plancher océanique de cette région et de faire un inventaire de la biodiversité. Ces données n’ont pas été mises à jour depuis longtemps. Mais que l’on ne se trompe pas ! Nous ne sommes pas des enfants de chœur désintéressés. Vous effectuerez également une prospection pétrolière intensive. La cartographie permettra également de repérer des caches potentielles pour nos sous-marins tactiques et nos bases secrètes.

- Je vois… en quoi pensez-vous que je puisse me rendre utile ?
- N’êtes-vous pas le plus grand connaisseur de déserts du pays ?
- Si vous le dites. Cela dit c’est un désert qui manque cruellement de sable.
- Auriez-vous peur de l’inconnu, capitaine ? Me lança, presque moqueur, le docteur G.
- Je n’ai peur que des chutes de météores et des virus, autrement dit de rien. Les déserts ça me connait.
- Vous aviez l’air pourtant un peu sceptique.
- Comment ça ? Je ne vous permets pas de dire ça, docteur ! Vous voulez que j’explore ce désert de glace avec vous ? Fort bien !
- Ah capitaine, vous m’en voyez ravi ! Reprit le commandeur. Vous serez chargé du pilotage du sous-marin et de vous assurer de la sécurité du professeur. Ca ne vous pose pas de problème ?
- Ca ne doit pas être bien compliqué de mener cette coquille de noix. J’en serai, ça m’amuse !
- Parfait !
Le commandeur déroula un autre plan représentant le sous-marin.
- Voici votre limousine capitaine. Quinze mètre de long, une surface habitable suffisante pour passer plusieurs mois confortablement. Le tout électrique garanti une autonomie importante. La propulsion utilise l’électrolyse de l’eau, ce qui génère également de l’oxygène. Pour le ravitaillement complémentaire, vous pourrez nous communiquer vos points d’émergence, pour qu’on vous envoie des avions ravitailleurs.
- C’est un beau bijou. Je sens que le voyage sera intéressant.
- Parfait capitaine ! Je suis heureux de vous voir emballé. Cela fait des années que je prépare ce voyage pour ses vertus ludiques et ce qu’il apportera à la connaissance. Vous mènerez la barque quand moi j’utiliserai les instruments scientifiques pour explorer et analyser. Je serai le cerveau, vous serez le bras.
- Ca me va parfaitement. (…) Quand est-ce qu’on part ?
Le colonel nous fit alors conduire dans une base marine dont l’emplacement ne nous fut pas communiqué. Nous embarquâmes à bord d’un cuirassé qui se mit en route vers le Nord.
Après quelques jours de voyage, je croisais le professeur sur le pont de ce Léviathan d’acier, alors que je faisais prendre l’air marin à Shââ.
- Ah, capitaine, voyez un peu tous ces icebergs. Nous approchons !
Il avait l’air d’un gamin excité.
- Vous n’avez pas l’air totalement à vos aises, cap’tain, le froid vous réussirait-il moins bien que le soleil iranien ?
- Pour tout vous dire, j’ai beau être explorateur, j’ai toujours un minimum de méfiance à l’égard de ce qui n’est pas moi. Ne m’en voulez pas si je suis un peu froid.
- Vous plaisantez ? J’adore ce qui est froid ! Nous devrions bien nous entendre.

Je jetai un regard vers les icebergs. Un nouveau désert attendait que j’y plante mon étendard triomphant. Nous étions alors en train de percer ses frontières. Alors que les marins s’apprêtaient à mettre à l’eau notre sous-marin, rebaptisé « Bathyscaphe » en l’honneur des pionniers de l’exploration abyssale, je songeais aux mystères que nous allions découvrir en-dessous.

Baptistisime

mardi 21 avril 2009

L’odyssée du bathyscaphe, épisode deux: Les trains






Le kérosène se fait rare en ces temps de conflits. C’est donc dans un train que nous embarquons tous les trois, Shââ, mon sac à dos et moi. Parmi la foule de soldats français aux destins futurs variés, je fais confiance à la logistique de mon armée. Je profite de ce long périple à bord d’un wagon surpeuplé et étriqué pour poser mon regard sur les vastes plaines moyennes-orientales. Mon esprit s’évade de sa boîte de conserve vers ces espaces de liberté. Je sens presque le vent frais et apaisant quand le wagon est une fournaise à l’atmosphère nauséabonde de sueur humaine. Shââ et moi n’en pouvons plus de demeurer immobiles ; le désert que nous voyons de l’autre côté de la vitre en revêt des airs de paradis.

Ah ! Mon désert. Il manque déjà. Nous n’apercevons aucune trace de vie mobile. Pas un troupeau, pas un village. Même la nature et les autochtones reculent face à la guerre et la ville. A quoi bon cheminer jusqu’à Paris ? Paris est déjà là, aux portes de l’Iran. Mais soit ! Je m’en vais retrouver la ville qui m’a vu naître et faire mes armes.

Nous changeons plusieurs fois de train, en transit par des gares militaires isolées. La fraîcheur de l’aube nous sort alors momentanément de notre torpeur asphyxiée.
Arrivés à Paris, ce sont encore des trains qui nous reconduisirent à notre hôtel. J’avais été contraint de placer Shââ dans une petite cage pour accomplir ce dangereux périple dans les couloirs bondés du métro parisien. Rien n’est plus terrifiant que cet amassement de gens pressés et anonymes, à la fois si proches et si indifférents les uns aux autres.

Au moins le désert iranien était-il silencieux. Le désert souterrain lui est hanté par le son obsédant des pas du bétail humain qui marche en cadence désordonnée. Au moins les fantômes persans étaient-ils transparents et invisibles. Les zombies des catacombes modernes, eux n’hésitent pas à vous tamponner sans même lever les yeux vers vous. Ils conjuguent violence et bêtise avec un naturel déconcertant. Le pire c’est que cette maladie est contagieuse. Toute personne normale introduite dans ce zoo se retrouve instantanément contaminée et devient un zombie à son tour. Au moins les iraniens avaient-ils un regard perçant et tueur quand nous les croisions. Les usagers du métro n’ont pas de regard.

Cela dit, au-delà de mon profond dédain, ces automates n’éveillaient pas grand intérêt en moi. Je redoutais davantage la foule pour sa faculté à dissimuler un fourbe chargé de me supprimer subrepticement. Pour plus de discrétion, aucun garde du corps ne me couvrait, j’étais seul avec mon chat en cage dans la main gauche. Ma main droite serrait compulsivement mon révolver dans la poche de mon manteau, au cas où. Mon regard, que je composais impassible à l’image de mes amorphes compagnons, surveillait ainsi non seulement les directions de mes nombreuses correspondances mais également les mouvements suspects.

C’est ainsi exténué, usé physiquement et intellectuellement que je rejoignis finalement ma chambre d’hôtel. Avant même de déposer mon bagage dans un coin, je rendis sa liberté à mon petit compagnon félin. Le chaton après quelques reniflements se mit à explorer frénétiquement son nouveau territoire avec une curiosité affichée.
- Haha ! Ne te fatigue pas trop, Shââ, nous ne restons pas longtemps.

Le seul fait de conjuguer le verbe fatiguer m’éprouva profondément. Je m’effondrai lourdement sur mon lit et m’endormit pareillement.

Baptistisime, Lille, le 12/04/2009

samedi 18 avril 2009

La porte dangereuse

Le 18 avril, LILLE


Il y a des gens qui réfléchissent trop. J’en fais partie.

Quand tu vois une porte ouverte, tu entres, t’es pas d’accord ?
Et bien moi, non !

Déjà pour commencer, j’ai frappé à la porte. Pour être sûr de ne déranger personne.
Puis, je l’ai poussé doucement du bout d’un bâton (au cas où il y aurait quelque chose de dangereux sur la porte elle-même.) J’ai alors passé un œil seulement pour m’assurer que la pièce ne contient rien de compromettant.
J’ai alors décidé de projeter d’entrer. J’ai ouvert la porte doucement pour ne pas faire trop de bruit et de courant d’air. Puis j’ai commencé à investir la pièce. Mais sans me livrer complètement, pas fou ! J’ai d’abord posé le bout du pied gauche pour tâter de la stabilité du sol. Je sors alors un compteur Geiger, pour voir si l’air n’est pas radioactif !
Alors, et seulement alors, j’ai soufflé un grand coup, soulagé. Je me suis élancé, confiant, vers le centre de la pièce. Et je me suis pris la poutre qui me pendait au nez juste devant mes yeux, en plein milieu de l’espace. Et que je n’avais pas vu, trop occupé à chercher la petite bête.

Comme quoi il vaut mieux agir que prévoir. Reste que quand on a comme moi une fâcheuse tendance à se faire avoir par des petites bêtes, cette pensée est loin d’être évidente. Je vais encore y réfléchir un peu.

Doc G.

Vers le nord ou la parabole de l’appartement

Aujourd’hui, je voudrais vous raconter le voyage d’un bordelais à Lille. Ce petit gars du sud est venu les mains dans les poches pour trouver un logement. Par un bel après-midi de juillet fort ensoleillé, il visita un premier appartement.
Ce petit studio avait beaucoup pour plaire. Sans être éclatant, il était lumineux. Sans être le meilleur marché, il était très accessible. Sans être le centre du monde, il était très bien situé. Certes il se situait au dernier étage de la résidence, avec un voisinage parfois bruyant, mais le bordelais appréciait faire des efforts et l’animation.

Parfait dans son imperfection, ce lieu de vie séduisit instantanément le jeune homme. Pourtant, on lui conseilla de continuer ses recherches. Après, il avait du temps à perdre, et bien qu’ayant trouvé l’appartement quasi parfait, il pouvait trouver « mieux », moins cher, plus proche du métro, plus beau, mieux quoi.
Sur ce, le lillois novice s’enquit de visiter trois autres appartements. Il parcouru de longues distances à pieds dans cette ville qu’il ne connaissait pas, sous un soleil de plomb. C’est donc un peu essoufflé et éprouvé par ces heures de quête qu’il se présenta devant les portes d’entrées.

Le premier prétendant pose une première énigme. L’appartement est censé être au troisième étage… mais l’immeuble, par ailleurs exposé à des travaux bruyants, comporte davantage d’inter-étages que d’étages ! Grand mystère que cette tour de Babel. Bien sûr, aucun moyen d’identifier nettement quelle porte pourrait être celle du lieu convoité. Après un intense essayage de tout le trousseau sur l’ensemble des serrures qui auraient éventuellement si ça se trouve une chance de convenir… c’est un premier échec pour le sudiste.

Il se remit courageusement en route avec beaucoup d’envie et un esprit revanchard. Il se présenta alors dans une petite rue de traverse. Entre un marché couvert sinistre et un bar animé, une porte en bois bleue s’interposait entre notre héros et le second appartement inconnu. Après un nouvel essayage d’un autre trousseau, il parvint finalement à introduire une clef et lui faire imprimer un demi-tour dans la serrure…mais pas davantage. La rage d’abord contenue avec élégance finit par sortir et le jeune homme énervé par forcer sur cette serrure à mi-temps, sans grand succès.
Le petit bordelais sut alors que s’il ne pouvait faire que la moitié du chemin aujourd’hui, il devrait refaire l’effort demain, et aussi après demain, si d’aventure l’appartement derrière cette porte si incommodante était choisi au final. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, d’autant plus qu’un autre appartement attend à être visité. Celui-ci ne sait pas ce qu’il rate à se rendre inaccessible.

Après une marche un peu plus courte, le mec du sud se retrouva devant une habitation à la façade fort charmante. On l’avait mis en garde que la porte devait être lourde, qu’il fallait la pousser de bon cœur. Ce que fit le jeune homme. De nombreuses fois. Ce n’est pas que du cœur qu’il fallait pour entrer dans ce coffre-fort, mais une force surhumaine, que le bordelais n’était guère disposé à fournir au quotidien, même pour la plus belle des demeures. Sûrement huilerait-il cette porte s’il devait résider ici. Mais cela n’en valait pas la peine.

Il se donna la nuit pour réfléchir à cette drôle de mésaventure, puis signa inconditionnellement pour le premier studio. Et se remémora longtemps les conséquences de son épopée.

Finalement, ça n’avait pas été si désagréable que cela de partir pour cette vaine chasse au trésor. Avec le recul, il trouva même cela amusant, et rit avec sincérité de ses propres maladresses et de ce curieux destin. Les souvenirs de cette folle journée resteraient pour lui riches d’enseignements.

Aller voir ailleurs ne fut pas si inutile. Cela conforta le bordelais dans l’idée que son studio était le bon. Bien sur, à l’usage, il verra que son studio n’était pas parfait. Il verra l’humidité qui se cachait bien au plafond. Il se retrouvera avec des canalisations bouchées. Il sera parfois user de faire le ménage toutes les semaines et de devoir gravir chaque jour les trois étages.
Il demeurera le temps qu’il demeurera dans ce lieu de vie, sans plus d’attachement que de raison. Il ne regrettera jamais. Il ne retiendra que les bons instants, les bonnes soirées, les bonnes visites. Les galères aussi, qui une fois résolues seront autant de références pour l’avenir.

C’est aussi à l’usage que le bordelais avait compris en quoi son appartement était parfait. C’est avec le temps que la valeur de certaines choses peut apparaître. Le bordelais, au moment de rendre les clefs, en avait conscience et était heureux de ce bout d’existence passer à Lille. En attente de nouvelles aventures !