dimanche 19 février 2012

Les rêvent mentent-ils ? Episode 63




L’aventure de cette nuit débute par une banale partie de canyoning en pleine nature. La rivière descend en pente douce et les bras slaloment entre des rochers. Un petit parcours tranquille, jusqu’à une sorte de col étroit ne laissant passer qu’un mince filet d’eau. Sûrement une passe facile, mais ce n’est pas ce que je me dis. En fait, je ne me dis rien de particulier, car cet obstacle insignifiant n’éveille en rien ma méfiance. C’est alors que mon père me stoppe avec l’assurance d’un guide de haute montagne et m’indique qu’un saut est à effectuer. Comme il n’est pas du genre à s’affoler pour rien et que c’est un homme de confiance, je le laisse me briefer.

Un saut impressionnant m’attend. La falaise parait interminable et le bassin d’arrivée est à peine visible en contrebas. Tout au plus une flaque, voir une goutte. C’est ce qui s’appelle faire le grand saut dans l’inconnu. J’étais venu faire du canyoning, pas du parachutisme ! Mais je n’ai pas le temps de me faire plus de réflexion, car je suis poussé dans le grand bain ! Je ferme les yeux. Ma chute est interminable. Je me concentre sur ma propre posture pour être certain d’entrer de la bonne manière les deux pieds en avant, le corps bien droit. Je ne sais pas trop comment positionner ma tête pour avoir mes meilleures chances ; je fais à l’instinct.

Dans le noir, je m’attends à l’impact à tout moment, mais ce moment n’arrive pas. Seule l’accélération constante témoigne du temps qui passe et du niveau de la mer qui s’approche. Le noir laisse finalement sa place à une sorte d’écran de jeu vidéo. Et comme dans chaque jeu vidéo, on a le droit à un tas de données chiffrées comme le score, la vitalité du personnage, etc. Ici, on m’indique « 54 ». Peut être s’agit-il du niveau de jeu. Peut être la hauteur de ma chute ? D’ailleurs, la technologie prend le pas sur la nature puisque la falaise semble se transformer en plongeoir aux allures d’immeuble et le bassin du cours d’eau en bassin de piscine. J’ai l’impression d’être dans un jeu d’arcade aux animations pixélisées. Et comme le plongeoir est un immeuble, 54 était peut être le nombre d’étage ? Quoi qu’il en soit, cette vision édulcorée de mon saut me permet de voir l’eau arriver et de relever la tête pour l’entrée. Ma vision passe sous l’eau et je passe très vite au niveau -10. Et le jeu m’indique que je suis mort. Curieux, je n’ai absolument pas la sensation d’être mort !! Essayer de nouveau ? Oui. Une sorte de replay, et je réapparais juste au-dessus de l’eau, retombe dans le bassin et le jeu m’apprend une nouvelle fois que je suis mort.

Je ne suis pas triste, mais révolté ! Mon saut était parfait, putain ! Pourquoi je suis mort ? J’aimerais comprendre mieux les règles de ce jeu bizarre !
Lors de ma troisième tentative, je réapparais plus haut, sûrement pas loin du point de départ. Je m’apprête à plonger quand j’entends une voix féminine me conseiller « tu devras commencer par enlever tes palmes avant de sauter ». Mes palmes ? Un coup d’œil à mes pieds, et j’ai effectivement UNE palme de natation à droite ! Je me dis que j’ai l’air ridicule, mais ne me souviens pas avoir mis une palme à mon pied, surtout avant de faire le grand saut, et encore moins une seule, quelle absurdité. Je parviens malgré tout à gérer l’impact et en sors indemne, car je parviens à quitter le bassin en un seul morceau.

A la sortie, la maîtresse nageuse me fait la leçon me fait la leçon. Pendant qu’elle parle, je remarque que je suis dans une vraie piscine, avec un toit. Etrange, vu la hauteur dont je suis tombé, mais passons. La sportive m’explique que le saut même pieds en avant, est tout un art. Il faut être aérodynamique. Par ailleurs, la hauteur de la chute ne compte pas vraiment, car on peut mourir d’une chute d’un niveau ou d’un mètre, si l’on se cogne la tête contre le bord. Cette remarque me laisse pantois… Elle m’informe ensuite que la position doit être millimétrée, même pour faire une bombe depuis le bord du bassin. Elle me passe alors un film avec un sauteur professionnel en train de faire un saut du bord du bassin et qui arrive presque droit au garde à vous au milieu du bassin. Le ralenti donne l’impression que l’eau lui fait un tutu et qu’il est une danseuse.

Le rêve s’achève quand je cherche à courir après la prof de natation lui expliquant que je ne suis pas décidé à m’investir pour m’améliorer dans ce sport, mais que je suis curieux de mieux connaître les aspects physiques du choc lors des sauts à hauteur élevée et quelle position adopter. Par curiosité intellectuelle. Ou peut être inconsciemment pour ne pas mourir la prochaine fois, et voir mon corps et mon orgueil blessés !

Un chateau abandonné



Jadis, au loin, on ne voyait que la grande tour.
Un donjon imprenable à la si épaisse muraille,
Un lieu de vie où joyeusement l’on ripaille.
Pour voir ce symbole, du monde entier on accourt.

Les siècles ont passé et il n’y a plus guère
Que des souris derrière le montagneux portail
Inévitablement, l’histoire un jour déraille
Pour abandonner le bastion à un vide sourd.

Faut-il dès lors délaisser cette bâtisse désuète ?
Les fantômes aiment à compter une belle historiette
Selon laquelle il demeure une salle au trésor

Cachée au plus profonds des oubliettes.
Dans les couloirs à la lueur d’une allumette,
Cherchons cette ancienne fortune qui aujourd’hui dort.

Les rêvent mentent-ils ? Episode 61

1er janvier 2012, Corville


Cette nuit encore je m’éveille dans un immense bâtiment aux murs massifs et sans la moindre étincelle de bougie. Comme dans l’épisode n°42, mon objectif est de quitter cette tour obscure dans les délais les plus brefs. Je cours un peu à droite, un peu à gauche, puis décide de ne pas m’embêter plus que cela : je passe la tête, puis le corps par une ouverture aux allures de meurtrière par sa largeur, puis me laisse choir du haut du donjon.

Nous sommes en plein jour, le ciel est dégagé et je me trouve dans un lieu très semblable à un château médiéval. Le donjon derrière moi et les remparts face à moi ont été dressés comme un empilement de pierres sombres et carrées.
Après avoir fait le saut de l’ange pour m’échapper de la tour tel un Robin des bois facétieux, il me faut donc franchir un nouvel obstacle. Qui sait ce que je suis venu dérober ici ? A moins que je ne fusse un habitant de la cours chassé comme un malpropre. Peut-être encore suis-je un prisonnier en train de se faire la belle. Quoi qu’il en soit, j’en apprends davantage sur mon personnage maintenant qu’il est à la lumière du jour. Si je ne vois pas mes ennemis, je vois que je suis un homme mûr assez athlétique, le visage marqué par les cicatrices, avec un faux air de héros de « Valhalla rising ». Si ça se trouve, j’incarne une nouvelle fois le personnage de l’épisode n°48. Je suis de toute façon bien content d’avoir quelques muscles, car je me saisis d’une corde tendue le long du mur d’enceinte et me hisse à la force des bras. On dit que l’existence est faite de hauts et de bas, cela n’a jamais été aussi vrai.

Au cours de mon ascension, je récupère en chemin une jeune femme que je prends sous le bras. Peut-être l’objet de mon larcin ? Elle est menue, robe rouge, cheveux ondulés blonds et mi-longs, un air sauvage et des yeux de chats paré pour la chasse.
Nous arrivons au sommet. Nouveau saut périlleux. Fort heureusement, le château est cerné non pas de douves, mais d’immenses jardins aux allées géométriques plantées de fontaines. On se croirait à Versailles ou au Louvre. Ces boulevards sont une ligne droite qui nous invite à faire un petit peu d’athlétisme.

J’oublie un temps ma comparse de galère. En effet, le prénom de mon avatar me revient en tête : il me semble que son initiale est « B » et qu’il comporte deux « K ». Les deux personnages ne me sont pas inconnus, ils doivent appartenir à une excellente et épique saga d’aventure. Je me dis en tous cas, tout en courant, que je dois me souvenir de cet épisode afin de poursuivre le roman à mon réveil ! Il y a sûrement une histoire fascinante à écrire.

J’ai l’impression que 2012 commence comme l’ensemble de la carrière de 2011 : un manoir et des fuites. Mes rêves aiment le comique de répétition.