dimanche 19 février 2012

Les rêvent mentent-ils ? Episode 63




L’aventure de cette nuit débute par une banale partie de canyoning en pleine nature. La rivière descend en pente douce et les bras slaloment entre des rochers. Un petit parcours tranquille, jusqu’à une sorte de col étroit ne laissant passer qu’un mince filet d’eau. Sûrement une passe facile, mais ce n’est pas ce que je me dis. En fait, je ne me dis rien de particulier, car cet obstacle insignifiant n’éveille en rien ma méfiance. C’est alors que mon père me stoppe avec l’assurance d’un guide de haute montagne et m’indique qu’un saut est à effectuer. Comme il n’est pas du genre à s’affoler pour rien et que c’est un homme de confiance, je le laisse me briefer.

Un saut impressionnant m’attend. La falaise parait interminable et le bassin d’arrivée est à peine visible en contrebas. Tout au plus une flaque, voir une goutte. C’est ce qui s’appelle faire le grand saut dans l’inconnu. J’étais venu faire du canyoning, pas du parachutisme ! Mais je n’ai pas le temps de me faire plus de réflexion, car je suis poussé dans le grand bain ! Je ferme les yeux. Ma chute est interminable. Je me concentre sur ma propre posture pour être certain d’entrer de la bonne manière les deux pieds en avant, le corps bien droit. Je ne sais pas trop comment positionner ma tête pour avoir mes meilleures chances ; je fais à l’instinct.

Dans le noir, je m’attends à l’impact à tout moment, mais ce moment n’arrive pas. Seule l’accélération constante témoigne du temps qui passe et du niveau de la mer qui s’approche. Le noir laisse finalement sa place à une sorte d’écran de jeu vidéo. Et comme dans chaque jeu vidéo, on a le droit à un tas de données chiffrées comme le score, la vitalité du personnage, etc. Ici, on m’indique « 54 ». Peut être s’agit-il du niveau de jeu. Peut être la hauteur de ma chute ? D’ailleurs, la technologie prend le pas sur la nature puisque la falaise semble se transformer en plongeoir aux allures d’immeuble et le bassin du cours d’eau en bassin de piscine. J’ai l’impression d’être dans un jeu d’arcade aux animations pixélisées. Et comme le plongeoir est un immeuble, 54 était peut être le nombre d’étage ? Quoi qu’il en soit, cette vision édulcorée de mon saut me permet de voir l’eau arriver et de relever la tête pour l’entrée. Ma vision passe sous l’eau et je passe très vite au niveau -10. Et le jeu m’indique que je suis mort. Curieux, je n’ai absolument pas la sensation d’être mort !! Essayer de nouveau ? Oui. Une sorte de replay, et je réapparais juste au-dessus de l’eau, retombe dans le bassin et le jeu m’apprend une nouvelle fois que je suis mort.

Je ne suis pas triste, mais révolté ! Mon saut était parfait, putain ! Pourquoi je suis mort ? J’aimerais comprendre mieux les règles de ce jeu bizarre !
Lors de ma troisième tentative, je réapparais plus haut, sûrement pas loin du point de départ. Je m’apprête à plonger quand j’entends une voix féminine me conseiller « tu devras commencer par enlever tes palmes avant de sauter ». Mes palmes ? Un coup d’œil à mes pieds, et j’ai effectivement UNE palme de natation à droite ! Je me dis que j’ai l’air ridicule, mais ne me souviens pas avoir mis une palme à mon pied, surtout avant de faire le grand saut, et encore moins une seule, quelle absurdité. Je parviens malgré tout à gérer l’impact et en sors indemne, car je parviens à quitter le bassin en un seul morceau.

A la sortie, la maîtresse nageuse me fait la leçon me fait la leçon. Pendant qu’elle parle, je remarque que je suis dans une vraie piscine, avec un toit. Etrange, vu la hauteur dont je suis tombé, mais passons. La sportive m’explique que le saut même pieds en avant, est tout un art. Il faut être aérodynamique. Par ailleurs, la hauteur de la chute ne compte pas vraiment, car on peut mourir d’une chute d’un niveau ou d’un mètre, si l’on se cogne la tête contre le bord. Cette remarque me laisse pantois… Elle m’informe ensuite que la position doit être millimétrée, même pour faire une bombe depuis le bord du bassin. Elle me passe alors un film avec un sauteur professionnel en train de faire un saut du bord du bassin et qui arrive presque droit au garde à vous au milieu du bassin. Le ralenti donne l’impression que l’eau lui fait un tutu et qu’il est une danseuse.

Le rêve s’achève quand je cherche à courir après la prof de natation lui expliquant que je ne suis pas décidé à m’investir pour m’améliorer dans ce sport, mais que je suis curieux de mieux connaître les aspects physiques du choc lors des sauts à hauteur élevée et quelle position adopter. Par curiosité intellectuelle. Ou peut être inconsciemment pour ne pas mourir la prochaine fois, et voir mon corps et mon orgueil blessés !

Un chateau abandonné



Jadis, au loin, on ne voyait que la grande tour.
Un donjon imprenable à la si épaisse muraille,
Un lieu de vie où joyeusement l’on ripaille.
Pour voir ce symbole, du monde entier on accourt.

Les siècles ont passé et il n’y a plus guère
Que des souris derrière le montagneux portail
Inévitablement, l’histoire un jour déraille
Pour abandonner le bastion à un vide sourd.

Faut-il dès lors délaisser cette bâtisse désuète ?
Les fantômes aiment à compter une belle historiette
Selon laquelle il demeure une salle au trésor

Cachée au plus profonds des oubliettes.
Dans les couloirs à la lueur d’une allumette,
Cherchons cette ancienne fortune qui aujourd’hui dort.

Les rêvent mentent-ils ? Episode 61

1er janvier 2012, Corville


Cette nuit encore je m’éveille dans un immense bâtiment aux murs massifs et sans la moindre étincelle de bougie. Comme dans l’épisode n°42, mon objectif est de quitter cette tour obscure dans les délais les plus brefs. Je cours un peu à droite, un peu à gauche, puis décide de ne pas m’embêter plus que cela : je passe la tête, puis le corps par une ouverture aux allures de meurtrière par sa largeur, puis me laisse choir du haut du donjon.

Nous sommes en plein jour, le ciel est dégagé et je me trouve dans un lieu très semblable à un château médiéval. Le donjon derrière moi et les remparts face à moi ont été dressés comme un empilement de pierres sombres et carrées.
Après avoir fait le saut de l’ange pour m’échapper de la tour tel un Robin des bois facétieux, il me faut donc franchir un nouvel obstacle. Qui sait ce que je suis venu dérober ici ? A moins que je ne fusse un habitant de la cours chassé comme un malpropre. Peut-être encore suis-je un prisonnier en train de se faire la belle. Quoi qu’il en soit, j’en apprends davantage sur mon personnage maintenant qu’il est à la lumière du jour. Si je ne vois pas mes ennemis, je vois que je suis un homme mûr assez athlétique, le visage marqué par les cicatrices, avec un faux air de héros de « Valhalla rising ». Si ça se trouve, j’incarne une nouvelle fois le personnage de l’épisode n°48. Je suis de toute façon bien content d’avoir quelques muscles, car je me saisis d’une corde tendue le long du mur d’enceinte et me hisse à la force des bras. On dit que l’existence est faite de hauts et de bas, cela n’a jamais été aussi vrai.

Au cours de mon ascension, je récupère en chemin une jeune femme que je prends sous le bras. Peut-être l’objet de mon larcin ? Elle est menue, robe rouge, cheveux ondulés blonds et mi-longs, un air sauvage et des yeux de chats paré pour la chasse.
Nous arrivons au sommet. Nouveau saut périlleux. Fort heureusement, le château est cerné non pas de douves, mais d’immenses jardins aux allées géométriques plantées de fontaines. On se croirait à Versailles ou au Louvre. Ces boulevards sont une ligne droite qui nous invite à faire un petit peu d’athlétisme.

J’oublie un temps ma comparse de galère. En effet, le prénom de mon avatar me revient en tête : il me semble que son initiale est « B » et qu’il comporte deux « K ». Les deux personnages ne me sont pas inconnus, ils doivent appartenir à une excellente et épique saga d’aventure. Je me dis en tous cas, tout en courant, que je dois me souvenir de cet épisode afin de poursuivre le roman à mon réveil ! Il y a sûrement une histoire fascinante à écrire.

J’ai l’impression que 2012 commence comme l’ensemble de la carrière de 2011 : un manoir et des fuites. Mes rêves aiment le comique de répétition.

dimanche 21 août 2011

Les rêves mentent-ils ? Episode 57

Printemps 2010. Ma chambre à Lyon

Je suis en visite d’un musée d’un genre bien curieux. Dans une ambiance rouge et surtout noire, une sorte de zoo souterrain rappelant les galeries étroites, chaudes et humides d’un terrarium tropical. D’ailleurs, ces galeries comportent aussi de vitrines comme un vivarium. Les couloirs sont donc à peine éclairés à l’infrarouge, la seule lumière vient de ces vitrines.
De l’autre côté du verre, des scènes plus ou moins érotiques jouées par des sujets humains vivants. Ici, un couple qui se prend sur une simple chaise, dans des ébats à l’arrachée mais avec une imagination folle. Ils se permettent toutes les configurations d’emboîtage autorisées par les lois de la physique.
Dans une autre cellule, plusieurs adolescentes sont au contraire très réservées. Elles hésitent même à se toucher elles-mêmes, alors s’affairer en public. Elles sont assises sur des chaises disposées en rond, comme une réunion des alcooliques anonymes.
Dans cette ménagerie, d’autres mannequins sont moins soucieux des spectateurs. Au contraire, certains n’ont pas peur de montrer leur vrai visage. Je retrouve par hasard l’habituellement discrète CT qui embrasse un homme sans retenue mais surtout avec une exubérance que je n’aurais jamais soupçonnée.

Finalement, cette exposition vivante est de qualité : tout type de relations sensuelles est présenté, comme un catalogue des pratiques érotiques.
Je visite comme on visite un zoo, avec une curiosité intellectuelle et scientifique, comme on visite une ménagerie ordinaire, sans se poser de questions sur le ressenti des pensionnaires. On croirait un vivarium rempli de vivipares, ou encore un étrange musée de statut de cire.
Cette galerie des horreurs est peut être un mémorial de la sexualité et surtout de la diversité du vécu par les humains.

Noir.

Je suis à mon tour dans une cellule du zoo sur le sol des matelas. Je me cachais dans la pénombre du couloir avec mon attitude détachée voir condescendante et hautaine, maintenant je suis propulsé sur le devant de la scène, de l’autre côté de la caméra. Il s’agit peut être là d’une forme de justice ou de prix à payer pour l’observation perverse ?
Les vitres sont sans teint, je devine qu’on est encore au zoo, mais on ne voit pas l’extérieur, qu’une lumière blanche. On ne voit pas bien les autres occupants de la pièce, plutôt grise par ailleurs, comme si on avait placé un vaste rideau sur la source lumineuse qu’elle soit naturelle ou non.
Je suis en compagnie d’un autre homme et de deux jeunes filles blondes ( ?) visiblement étrangères qui rigolent ensembles. Elles donnent l’air de se connaître depuis longtemps, quand l’autre homme et moi ne nous connaissons ni d’Adam ni d’Eve. Une des deux nanas et le gars ne font pas dans le détail, ils se prennent sans trop de cérémonie (ils ne se jettent pas l’un sur l’autre, mais ils vont au plus direct, sans prendre de détour, ils vont à l’essentiel, efficacement.
L’autre fille continue de rigoler avec sa copine en train de copuler.
Elle finit par se lasser et commence à tirer la tronche, comme si l’euphorie était tombée et que maintenant qu’elle est toute seule, elle se fait chier.
Je l’aborde. Je ne fais pas trop attention au contenu de la conversation, mais elle me répond en français. Ou en anglais, ce qui est pareil dans un songe à la mode de chez moi. Je la complimente sur sa maîtrise (de cette langue) et lui demande l’origine de son accent. Je ne comprends pas trop sa réponse, il me semble qu’elle me dit « je suis algérienne ». Je m’interroge : elle donne plutôt l’impression d’être européenne.
Elle se moque de moi : elle est géorgienne, pas algérienne. Je me mets à rire de bon cœur avec elle, ce qui nous rapproche. C’est avec la parole, l’échange curieux et le rire que je l’ai rapprochée. Quelque part, moi aussi j’ai ma recette et ma façon de faire : je suis un stéréotype comme les autres. Nous finissons par flirter. Moi aussi, je fais parti du zoo, maintenant.

Les rêves mentent-ils ? Episode 58



La machine à rêves est un puissant moyen de transport dans l’espace et le temps. Après tout, une scène onirique ne se passe que rarement à l’heure exacte à laquelle elle est «jouée », pas vrai ? Cette nuit, cette formidable invention me transfère directement de Lyon à Saint-Médard en Jalles à une heure qui semble être la fin de matinée. Je déambule seul dans le jardin familial sous un soleil puissant mais agréable. Il me semble qu’il se passe quelque chose dans la rue… On s’y agite dans cette rue de quartier résidentiel par habitude très calme.
L’allée des jonquilles est fidèle à elle-même : des maisons ordinaires avec jardin et clôtures, des trottoirs couverts de graviers, bordés de chênes. La seule exception ? La maison de nos voisins de pallier, remplacée du jour au lendemain par une laverie automatique. La maison a disparu : le bâtiment qui se trouve à son ancien emplacement est un sorte de brique de béton d’un seul étage qui parait enfoncé, presque comme s’il était en sous-sol. Je trouve cela étonnant. Que sont devenus les voisins ? Pourquoi une laverie dans un hameau où tout le monde a son petit chez soi tout équipé ? Est-ce une nouvelle invasion par la ville métropole d’une zone presque rurale ? Peut être que mon voyage dans le temps était plus conséquent que prévu et me voici dans un futur proche qui a vu plusieurs transformations sociales se produire ?
Quoi qu’il en soit, l’enseigne semble rassembler plusieurs personnes. D’autres gens sont dehors, de chaque côté de la route. Je remarque alors que l’attraction est un camion de pompier à la rescousse d’un chat perché, mon chat « Chaussette », femelle née en 1998 (donc le futur ne doit pas être si lointain ?). Que d’animation, mais aussi que de bizarreries !
Je rentre dans le calme relatif de la maison parentale. J’y retrouve le gang des trois « T » au grand complet. Nous prenons un apéritif à base de pillons de poulet.
L’ambiance est conviviale, nous sommes heureux de tous nous retrouver. J’ai du mal à suivre la conversation, mais il me semble que l’un de mes interlocuteurs y va de son « avoir quelqu’un dans sa vie, c’est déjà pas si mal. Pas vrai ? » Je me contente de fermer mon visage. Je pense que je donne une impression de tension. A l’intérieur de mon esprit, j’acquiesce mentalement. J’ai une pensée pour mon actuelle, KR. Une pensée plus mélancolique que ce qu’on peut avoir l’habitude quand il s’agit de la personne avec qui l’on est. Mais ce qui est vrai, c’est que c’est « déjà pas si mal ».

La machine me transporte une nouvelle fois.

Je me retrouve dans un vaste parc tout plat. Des cavaliers habillés en rouge, comme si c’était des suisses. Pourtant, j’ai l’intime conviction que nous sommes à Paris. Peut être le jardin du Luxembourg ?
Un speaker fait une annonce et présente le contexte. Il s’agit de la traditionnelle chasse urbaine au chevreuil avec les deux arbalètes géantes. L’épreuve est arbitrée par de nombreux policiers en uniforme. Il y a bien deux types d’arbalètes : un modèle à une main ressemblant à une arme à feu ; et un modèle à deux mains encore plus grand, équipé de deux contrepoids latéraux.



Je me retrouve moi-même embarqué dans la « course » avec une arbalète dans la main gauche. J’abats au moins deux bêtes. Je ne sais pas si je porte moi aussi cet uniforme ridicule, mais je suis de bonne humeur, la joie de cette chasse au dahu est partagée, le soleil perce malgré les nombreux arbres et les pelouse donnent un petit goût de campagne sauvage à cet endroit pourtant en plein cœur d’une des très grandes métropoles de cette planète.

Il me semble que j’ouvre le feu sur un rival (mais c’est peut être un rêve dans le rêve). Après tout, comme dans le tournoi Unreal, quelle règle interdit de s’en prendre aux autres concurrents ?!



La partie prend fin. Je me rends au campement où de grandes tentes ont été plantées pour accueillir la buvette, le buffet, et sûrement la remise des récompenses.
A la buvette, ça commente ses exploits. Une jeune femme amicale vient discuter avec moi. Elle ressemble trait pour trait à CL. Mais en lui demandant son nom, je confirme que ce n’est pas elle. Ne comprenant pas sa réponse, je lui fais répéter, et entends cette fois ce qui ressemble à un sigle, dont le dernier terme est « Dream ». Comme un clin d’œil au contexte ! « Dream » me semble sympathique et je lui propose d’aller prendre un verre ailleurs, en toute amitié.
Nous rencontrons en chemin ou avant de quitter les tantes plusieurs autres personnes qui se joignent à nous, au moins deux autres filles. Nous quittons le parc et nous retrouvons dans la ville moderne aux rues élégantes. Nous passons devant plusieurs bars avant d’échouer finalement dans un restaurant asiatique de plats à emporter. Pourquoi pas, me dis-je.
Nous faisons la queue longtemps, les autres filles semblent passer des heures à pinailler à choisir et/ou négocier âprement avec la vendeuse. Ca me dérange, j’ai l’impression que ça casse le rythme et décide de reprendre ma liberté solitaire. Les rues de Paris sont désormais sous un ciel nocturne. Je profite du spectacle simple de la ville et des gens attablés dans des restaurants de spécialités d’horizons divers.

Paris la cosmopolite, Paris l’insolite, Paris la verte, mon voyage dans cette ville aux multiples visages s’achève.

mercredi 17 août 2011

Les rêves mentent-ils ? Episode 60


17 mai 2011. Ma chambre au Broc


Le film de ce soir débute dans les couloirs obscurs de ce qui semble être un vaste manoir. La bâtisse est allongée, comme une aile de château. Les pièces sont disposées de part et d’autre d’un long couloir, comme pour un hôtel. Toutefois, le couloir n’étant pas éclairé, ce qui ne ressemble pas à un hôtel ordinaire.
Mon personnage est un stéréotype vivant du cinéma d’action américain puisque je suis barraqué, crâne rasé et teint basané, une puissante constitution physique et des traits carrés.
Je suis à la tête de plusieurs hommes munis d’uniformes noirs et de camouflages sophistiqués. Ce sont des guerriers compétents, visiblement spécialistes de l’infiltration.
Un commando avec une telle allure devrait sûrement utiliser des armes à feu lourdes. Pourtant, c’est une sorte d’arbalète ou d’arc automatique que je tiens en mains et emploi à libérer un chemin dans le couloir à travers plusieurs gardes. Peut être que mon équipement comporte une vraie arme de commando mais que je n’ai pas jugé bon de gaspiller des munitions pour des sous-fifres aussi peu menaçants.
L’ambiance est électrique, survoltée. Le groupe fait montre d’une grande vitesse de déplacement et d’exécution. Du travail de pro, en somme. L’adrénaline est notre moteur et nous conduit à un train d’enfer avec un enthousiasme débordant et euphorique.
Un flash. Arrivé au bout du couloir, pour une raison qui m’échappe, je me retourne contre mes propres coéquipiers et leur tire dessus. Ils ne tardent pas à répliquer. Coup de folie de ma part ou plan calculé à l’avance ? Impossible de le dire, l’heure étant de toute façon à l’action.




De traqueur je passe au statut de proie. Mes poursuivants en surnombre m’incitent à détaler. Je passe par la fenêtre au bout du couloir. Nous nous trouvions au premier étage. Il me semble que j’utilise une corde blanche façon bagnard en cavale pour rejoindre le plancher des vaches. A moins que je ne me laisse tout simplement tomber pour me réceptionner athlétiquement au sol. C’est un peu brouillé dans ma perception des événements, tout se passe très vite et il me semble que je réagis davantage à l’instinct, ou que j’applique des exercices mille fois répétés comme un automate.
Je suis donc dehors, à l’extérieur du grand manoir. Il fait nuit noire, le bâtiment que je viens de quitter est visiblement perdu en pleine nature. Il y a beaucoup d’arbres, pas d’autres constructions en vue, si ce n’est des sortes de lampadaires diffusant une lumière blanche et mauve m’évoquant l’éclairage public de Broc.
Je ne m’éternise pas sous la fenêtre, m’attendant à être tiré comme un lapin. Je fuis à travers la forêt, me retournant régulièrement pour décocher une flèche à l’encontre d’éventuels poursuivants. J’ai un sourire rageur aux lèvres, mêlé d’amusement et d’efforts intenses.
Malgré ma puissance et ma confiance en moi, je suis vulnérable, et je le sais. Je me bats contre un ennemi aussi multiple qu’invisible et éblouissant. La forêt défile et laisse place à une plaine immense. Dans cet espace ouvert et toujours aussi lumineux, je m’attends à manger un pruneau d’un moment à l’autre comme une impression de déjà vu (voir les rêves n° 53). Ce moment n’arrive pas, mais dans ma peau de malabar, je ressens une grande fragilité.



Au lieu d’une douleur, un nouvel éblouissement. La grande plaine d’herbe cède sa place à une grande plaine d’eau. Un nouvel océan aux infinies étendue et profondeur sous un ciel ensoleillé comme dans le président épisode (les rêves 59). Je suis à bord d’un navire, cette fois une frêle frégate. Une toute petite pièce qui donne directement sur l’eau dans mon dos, sans « mur ». Une longue table autour de laquelle s’est réuni l’équipage dont je fais partie, sous la présidence d’un capitaine pirate à la large coiffe noire, façon 18e.



Le bateau est à l’ancienne, nos costumes sont à l’ancienne, et nous aussi sommes à l’ancienne car je remarque que nous sommes tous des fantômes. De là à penser que la scène précédente ne s’est pas tout à fait fini pour mon plus grand bien, il n’y a qu’un pas. Si ce n’est que j’ai retrouvé une constitution mince et légère ainsi qu’une chevelure un minimum abondante, et la barbe qui va avec. Pas vraiment le même type de personnage.
Pour une raison qui m’échappe, une vive tension anime les débats. Nous semblons redouter quelque chose, mais quoi ? Après tout, nous sommes déjà morts, que pouvons-nous craindre désormais ? La panique nous submerge, puis une énorme vague nous submerge vraiment et nous coule. Nous avions bien quelque chose à perdre : notre rafiot. Quelle déchéance, nous avons l’impression de mourir encore !
La déferlante m’emporte et je n’émerge de nouveau que bien plus loin. Le soleil est couchant et les débris du navire ainsi que mes compagnons se trouvent dispersés ça et là. Je remarque alors que la petite CA est avec moi. Elle se tient à mon cou comme si elle craignait de couler. Ce qui ne constitue pas un grand danger pour des esprits désincarnés. Cela dit, elle ne me pèse pas beaucoup plus que si elle était vivante. Quelques regards à droite et à gauche, et comme je n’en détecte aucun, de regards, je sais comment m’occuper en attendant je ne sais quoi d’ailleurs. Comme la jeune femme n’est pas très grande, je n’ai pas à beaucoup allonger le bras pour poser ma main entre ses jambes. Jambes qu’elle replie bien vite comme pour se mettre en position fœtale. Est-ce qu’il s’agit d’un geste de défense de sa part ? De sa manière d’exprimer l’effet que ça pouvait lui faire ? Quoi qu’il en soit, j’imagine quelques fantaisies rendues possibles par les circonstances : coucher sous l’eau, dans n’importe quel assemblage, pourquoi pas en volant aussi, tout est permis. Ma rêverie dans le rêve me détourne peut être des affaires en cours et je m’égards. C’est ainsi que la scène s’efface comme un fondu noir précédant le générique de fin du film. Il faudra vraiment que j’arrive à me souvenir au réveil d’un songe ludique qui ne soit basé ni sur le sexe ni sur la violence ni sur un mauvais remake de film, et encore moins une combinaison des trois comme ce soir.


jeudi 21 juillet 2011

Les rêves mentent-ils ? Episode 59

29 mars 2011. Ma chambre au Broc


Je m’éveille cette fois en très intime compagnie d’une jeune femme dénudée. Nos ébats sont déjà lancés. Installés sur ce qui semble être une couchette de fortune, nous nous étreignons face à face, elle assise sur moi. Elle me retient en otage avec ses bras autour de mes épaules.
Elle est enjouée, moqueuse, son sourire l’illumine dans une pièce par ailleurs sombre et vide, en apparence. Elle déborde d’énergie. Elle s’agite, frétille, me chahute autant que ses longs cheveux libres me chatouillent. Moi je suis plutôt ronchon.
Elle me charrie sur la durée de nos ébats. Pour l’impatiente, il s’agit d’une éternité, ça n’en finit plus. Moi, je m’en fiche. J’essaye de profiter de cette rencontre au mieux. Tant pis si je suis pas assez bourrin à son goût. Même s’il me faut me concentrer fort sur l’action pour espérer la mener au bout. Je goûte à ma chance. J’ai l’impression d’accorder beaucoup d’importance à faire dans les règles et régaler ma partenaire autant que je me régale. Mes mains se baladent, sans grande inspiration…Je ne sais pas alors pourquoi je suis de mauvaise humeur et ce qui me retient, d’une certaine façon.





Je quitte la pièce peu de temps après, et ma conquête aussi par la même occasion, pour une ambiance radicalement différente. Je suis à bord d’une sorte de navire d’acier futuriste qui pourrait très bien être une sorte de vaisseau spatiale ou encore une île artificielle. Le soleil est étincelant et sa vive lumière se reflète sur l’eau. Pourtant, la lueur semble pâle, comme à l’aube d’un matin d’hiver. Et pour cause, le ciel est lourd, nuageux et opaque. L’embarcation est cernée de nombreux icebergs de différentes tailles. Il ne fait pas de doute dans mon esprit que nous sommes au nord du monde ce qui explique ce paysage si particulier.
Sur le pont, tout le monde commence à s’activer. Nous devons évacuer le navire. Fini la bagatelle libidineuse, l’heure est maintenant à la franche camaraderie virile. Je ne sais même pas ce que fait la femme avec qui j’étais, nous sommes désormais entre hommes. Chacun à notre tour, mes compagnons et moi enjambons la rambarde du vaisseau et sautons sur un iceberg tout proche. Puis sur un autre attenant, puis un autre comme si l’on jouait à saute-moutons. Il y a une ambiance électrique, quelque chose nous pousse à nous hâter. Durant ces passages, je tombe à l’eau, mais ne sent nullement le froid. Je me vois comme un être de feu lorsque je suis sous l’eau et quand je refais surface pour me raccrocher à un bloc de glace. Tout en n’éprouvant ni douleur ni affaiblissement, comme si la panique me donnait l’énergie de me concentrer uniquement sur l’effort en cours, sans rien ressentir de physique.




Nous continuons de progresser. Les icebergs forment comme un escalier, devenant de plus en plus hauts. Nous grimpons sur cet escalier jusqu’à apercevoir non loin un véritable plateau de glace.

Là encore sans que je me le dise clairement, la situation me revient en tête. Cet océan qui nous borde n’est pas normal. A la suite d’une catastrophe naturelle, il a englouti l’ensemble des continents laissant désormais un désert aquatique en lieu et place de notre planète bleue. Sûrement une conséquence de la fonte des glaces. Notre navire était probablement un refuge de fortune pour fuir ce cataclysme. Un refuge temporaire, nos espoirs reposant sur ce continent de glace.

Nous parvenons à temps sur celui-ci et constatons rapidement qu’il n’est pas plus stable que ce que nous avons fuit. Très vite, nous entendons notre escalier de glace se dérober pour toujours et les vibrations sous nos pieds nous informent très clairement que l’iceberg géant s’apprête à faire de même.

Les tremblements s’intensifient. Alors que nous sommes au sommet du monde, une impression de chute nous envahit. Il faudrait croire que l’immense montagne de glace s’est détachée de ce qui la tenait solide comme un roc. C’est comme si le monde entier se délitait sous nos pieds et glissait vers les abysses, à la manière d’un tapis roulant en cours de ravalement. L’adrénaline prend le pas sur la raison, la chaleur monte et l’instant de survie débute. Notre course est désespérée, pas assez prompte pour distancer la fulgurante disparition de ce qui reste de surface émergée dans notre dos. Et quand bien même nous pourrions distancer ce gouffre naissant, où fuir ? Quand l’îlot glaçon aura fini de fondre et sombrer, il n’y aura plus le moindre refuge sur Terre.

Au moment où me viennent ces funestes pensées, qui ne me retiennent nullement de courir, la glace sous mes pieds laisse place à de la terre. Un vrai sol terrien à peine verglacé ! Dans un réflexe athlétique, mes compagnons et moi nous jetons sur ce refuge providentiel comme on sauterait d’un train en marche. Quelques instants plus tard, l’iceberg finit de s’effondrer et va s’abîmer dans un bruit sourd.
Nous nous relevons et appréhendons les alentours du regard. La motte de terre où nous avons pris pieds est âpre, visiblement désertique. Le relief est plat, rien ne semble dépasser de la surface. Le sol est légèrement sablonneux et présente quelques pierres, mais est stable. En y regardant mieux, on découvre un vaste réseau de racines affleurant par endroit. En profondeur, ces racines sont épaisses, noueuses, denses. Je comprends alors que ce sont elles qui maintiennent en place ce banc. Ce sont elles qui ont empêché que ce nouveau monde ne s’effondre sur lui-même !
Nouveau tour d’horizon. Un peu plus loin du rivage, j’aperçois mon père, debout, qui semble nous accueillir de loin, comme s’il attendait d’autres rescapés. En me retournant, je revois l’océan gigantesque, à perte de vue. Le soleil est toujours aussi intense, à peine brouillé par la vapeur des glaces englouties. Je ne trouve plus ni icebergs encore debout, ni le vaisseau que nous venons de quitter. Vraisemblablement, l’île aux racines est désormais le dernier havre pour les humains terriens.