dimanche 8 mars 2009

Le paladin et la sorcière

Le paladin c’est moi, chevalier de Dieu,
Sauveur de veuves et d’orphelins, je suis preux.
Epaules carrées et longue épée, je suis impétueux,
Fonceur, positif et un soldat valeureux.
Erudit et lettré, de tout je suis curieux
Et mon intelligence me rend bien orgueilleux.
J’aspire à aider, d’altruisme j’ai fait le vœu,
D’être estimé aux yeux des autres désireux.
Aujourd’hui je ne chante plus la sérénade
Je vais vous conter une bien triste ballade.

J’arpentais la forêt pour y rendre la loi
Quand dans la nuit je vis au loin des feux de joie.
M’approchant je découvris une foule en liesse,
La fête battait son plein en toute allégresse
Au cœur d’une atmosphère enfumée par l’encens,
Les gens autours du foyer riant et dansant.
Nulle magie néfaste, voilà qui est rassurant.
Je me joignis à eux et cessai d’être pédant.

Tout à coup apparu sous le ciel étoilé
Une sorcière parée à m’ensorceler
Nous rejoignit et fit vite partie de la bonne ambiance.
Si bien que peu à peu s’évanouit ma méfiance.
Nous conversâmes en faisant fi de nos différences.
Par notre connivence se réduisit la distance.
A ma surprise nous échangions avec aisance.
Est-ce cela l’inconnue magie de l’attirance ?
Elle n’est pas si hérétique que je le redoute,
C’est une bien bonne magie. Je souhaite qu’elle m’envoute.

- Dis moi, tu n’as pas l’air d’avoir peur, paladin ?
- Le mal ça me connaît. Vous êtes quelqu’un de bien.
- Ah je vois. Tu es adepte de la concordance.
- Si vous le croyez, m’accorderez-vous cette danse ?

Ces paroles vinrent se mêler à notre chanson
Dont nous entonnions le refrain à l’unisson.
Dans la chaleur, je regardais ma cavalière.
Et ses cheveux roux turbulents comme le lierre.
Le feu brûlant se reflétait dans ses yeux verts
La transformant en une mystérieuse vipère.
Dans notre tendre étreinte, je me surpris à rêver.
De ses vieux démons elle pouvait être sauvée !
Elle venait d’éveiller mon ancienne ardeur
Je ne reculerai devant aucun labeur.
Ce devait être bien difficile ? A la bonne heure !
Je me promis de faire ressortir sa valeur.
Je me sentais capable de mener notre destin
Même si cela était traverser un ravin.
J’aurais tout donné pour pouvoir tisser des liens,
Espérant la ramener dans le droit chemin.

Mais pour l’heure, le contrat se passait de tout gage.
Nos voix laissèrent place à un tout autre langage.
J’oubliai le regard de la populace
Et mes convictions religieuses, je l’embrasse.
L’instant prenant fin, il fallut que je la laisse
Nous nous quittâmes complices, les yeux pleins de promesses.

Peu après je reçus chez moi une missive
M’annonçant que chez elle je serai le convive.
Nous avions déjà échangé bien des fous-rires
Mais j’avais encore bien des choses à lui offrir.
Me remémorant les sentiments éprouvés
Très impatient j’étais de la retrouver.
Aussi légère se fit mon appréhension
Je me présentai à sa rencontre sans pression.


La forêt de la fée était sacrément sombre.
Les arbres projetaient à perte de vue leurs ombres.
En ce drôle de lieu, je rencontrai en chemin
Sylphes, satyres, trolls et minotaures, curieux bovins.
De l’étrange cet endroit est vraiment le musée.
Le jeu vaut le coup, je décide de m’en amuser.

Je parvins à l’orée aux airs de cimetière
Où mon aimée affichait un sourire austère.
Dans mon dos les minotaures me firent prisonnier,
J’étais comme englué dans une toile d’araignée.
Pendant que les bêtes me retenaient en otage,
Mon hôte me délesta du reste de mes bagages.
Elle me dit que nous deux, c’était un mauvais un sort,
Que rien n’y ferait, que malgré tous mes efforts,
Notre amitié serait bientôt révolue.
Le bout de route fait ensembles lui avait déplu.
Cette fée là était dépourvue de sentiments
Et notre belle complicité n’était que du vent.
Tout cela je venais d’apprendre à mes dépends.
Ainsi donc étais-je tombé dans son guet-apens.


- Il m’avait semblé que nous deviendrons camarades.

- Par pitié, cessons tout de suite cette mascarade.
A mes yeux les mâles se résument à leurs bourses.
Ya pas à chier, moi les hommes je les détrousse.
Dans ce monde où rien ne me plait, je le confesse,
Les seuls que je puisse aimer, ce sont mes fesses !
Tu étais un bien bel oiseau, cela est vrai.
Mais tort tu as eu de sans calcul te livrer.
Bon tu es, je ne le nie, mais bien trop naïf.
Te plumer et te déjouer fut récréatif.
Quitte ma forêt, tu n’es plus le bienvenu.
A tes fins jamais tu ne serais parvenu.
Tu n’es pas un paladin, juste un être humain,
Ce qui pour moi n’est pas la moitié de rien.


- Ce que je pensais de vous, je l’assume quand même,
Souffrez seulement que je vous déclare « Je t’… »

- Chut, pas un mot de plus ! Tu ne m’intéresse pas !

Sur ces mots, je tentai de la prendre par le bras.
Mais elle se dérobe et mon épée elle me vole
Avec élégance déploie ses ailes et s’envole.

- Cours toujours, paladin ! Sans rire, je t’ai bien eu !

Sur ces mots disparut la fameuse ingénue.
Devant ma stupéfaction, je tombais des nues !
Je n’imaginais pas une fin si convenue.
Démuni, ébranlé, et tout à mon dépit,
A grande hâte mon monastère je rejoignis.
Pour avoir choisi un être si détestable
Je me mis à me haïr, quel incapable !
La lune fut seule témoin de mon grand désarroi
Confirmant que des imbéciles, j’étais le roi.


Ce matin là, j'émerge avec la gueule de bois.
Je m'éveille tout seul ; personne, sans toi, sans toit.
Ce matin, je ne ressens rien qu'un vide profond,
Et dans ma tête, il n'y a rien que du plomb.
La magie, c'est fini, le rêve va prendre fin.
Je m'en vais revenir à des affaires sans fin.
Cette fée n'était qu'une vilaine sorcière,
Croire le contraire était une erreur grossière.
Bien puni je suis, la sanction est sévère.
Passer outre c'est désormais tout ce que j'espère.
Mais dans mon échappée pour fuir la sorcellerie,
La traitresse me rattrape, et de moi elle se rit.
Ce succube des ténèbres me fait horreur.
Je dois le coincer, il en va de mon honneur.
Point de salut pour moi dans la dérobade,
Je dégainai, prêt à porter l’estocade.
Puis je me dis que le sort pour une femme vénale
Etait que je la traine devant un tribunal.
De m’y suivre avec courtoisie je la somme,
Devant un nouveau refus d’elle, je l’assomme.
J’étais redevenu un bon inquisiteur,
User de ma virile poigne ne me fit point peur.
Sans plus tarder, je m’employai à l’attacher,
M’en allai poser ma belle dormeuse sur le bûcher.


Revenant à elle, elle cria avec effroi :

- Idiot, mais qu’as-tu fait ?! Tu n’avais pas le droit !

- Libre vous étiez de me duper, de tout gâcher,
Libre à moi de vous enchaîner à ce bûcher.
Allez donc au service réclamations du diable,
Ainsi nous quitterons-nous à l’amiable.
Dans mon ire, mon désir fut de vous pourfendre.
A quoi bon ? Vous ne serez bientôt que des cendres.
Je vous oublierai, espérant ne plus vous revoir.
Votre mort nous gardera de nous décevoir.
Vous vous moquâtes de moi, vous me crûtes innocent,
Or je suis un homme d’armes, j’adore le sang.
Paladin je suis, n’œuvrant que pour la Justice.
Je vous détruis pour que cessent vos maléfices,
Et que jamais plus n’agissent vos artifices.
Au moins aurais-je appris à contrer la malice.

- Remerciez-moi donc, mon bon et doux seigneur !

- Certes, grâce à vous, je reconnais mes erreurs.
Que Dieu à jamais me protège des femmes,
La foi et le célibat sauveront mon âme.

- Paladin abruti, ce que tu es niais !

- Si vous le dites, il fallu bien que ce soit vrai.
Je vous renvois dans le néant d’où vous venez.
Là-bas, votre sort ne pourra m’importuner.

- Ce que tu crois, mon fantôme te hantera !
De pas m’avoir affrontée, tu regretteras.
Mon souvenir fera tout pour te déplaire,
Tu ne peux brûler ma magie de sorcière,
Maudit tu es, tu ne pourras point t’en défaire !

- Ainsi soit-il, nous nous reverrons en enfer.
Je vous confie aux mains de mon bon ami le feu,
Mais sachez qu’au fond de moi, je n’ai qu’un seul vœu…

Qu’il pleuve.

mardi 3 mars 2009

Les rêves mentent-ils ? Épisode 50

Saint Médard-en-Jalles, le 27/02/2009



Cette fois-ci me voici exerçant une honorable profession libérale que je ne parviens pas à préciser. Ce qui me fait dire cela est que j’occupe un luxueux cabinet parisien tapissé de cuir comportant deux pièces : une salle d’attente et mon bureau de consultation que je ne « visiterai » que brièvement, la suite le dira.
Ce local se situe au plus haut étage d’un immeuble à l’architecture rétro et aux vieilles pierres, typique de ce que j’ai pu connaître quand j’habitais encore la capitale et que j’accompagnais, enfant, ma mère chez le dentiste.
L’escalier en colimaçon est également recouvert d’un vieux tapis qui fait très vieil immeuble intra muros.

Mais pour l’heure, je suis oisif et détendu, m’étirant dans ma salle d’attente. Le soleil traverse les deux fenêtres, il fait beau à Paris. Je prends le temps de souffler, sûrement en attente d’un client/patient en retard.

Puis, pour une raison que j’ignore, l’envie me prend d’ouvrir la fenêtre de droite et d’y passer la tête. C’est avec horreur que j’aperçois un crochet de grue me filer droit dessus. Dans un réflexe « intellectuel », je me rappelle de tous les cas de « person jacking » ayant eu lieu les derniers jours à Paris, et me vois déjà en une du prochain quotidien : « Encore un cas de person Jacking à Paris, monsieur G. enlevé ».

Je refuse. Ce ne sera pas moi. J’ai à peine le temps de voir l’hélicoptère qui allait me saisir dans ses serres tel un rapace enlevant un agneau, que je roule déjà pour éviter la griffe mortelle. Les bris de verre envahissent la pièce. Dès que la pluie cesse, je me relève promptement, et entends du bruit dans le couloir. Je me précipite vers mon bureau, quand deux commandos au drôle d’attirail lourdement armés font irruption en démolissant la porte. Je referme la lourde porte de bois sombre à deux battants au moment où ils ouvrent le feu sur moi. Je traverse sans tarder le bureau pour rejoindre le couloir, étonnement vide, et m’affaire à descendre les escaliers. Mes poursuivants continuent à me doucher, et je remercie les dieux qu’ils visent comme des manches.

Après quelques dérapages contrôlés et une course de survie effrénée sur tout un étage, je me dis que mes jeunes agresseurs finiront par rattraper mon vieux corps déjà au moins quarantenaire. Sans plus tergiverser, j’enjambe athlétiquement la rambarde et me jette dans le vide ! Je vois défiler au moins quatre étages avant d’amortir ma chute en me saisissant de la rambarde du premier, avant de me poser presque doucement au rez-de-chaussée. Visiblement, mon comportement a surpris mes adversaires qui ne reprennent la mitraille qu’une fois que je quitte l’immeuble.

Je me retrouve ainsi dans la vieille rue ensoleillée. Je n’ai mal ni aux mains, ni aux pieds, je ne suis ni effrayé ni essoufflé. Je prends ma droite et me remets en course sans me poser plus de question, dans la foulée. Je remonte la rue pavée sans vraiment savoir où je vais. Peu importe, je suis vivant, bien content de l’être et déterminé à le rester ! Rien ne peut plus m’arriver maintenant, je m’offre une seconde jeunesse.
Après avoir dépassé quelques voitures en stationnement, une jeune femme brune, cheveux libres, sexy et élégamment habillée, tente de m’arrêter. Par je ne sais trop quelle pirouette, je parviens dans mon élan à éviter qu’elle ne me tue, puis la neutralise ! Elle lève les mains, soumise, pendant que je la déshabille des nombreuses armes de poing qu’elle portait tels des bijoux. Parmi eux, un uzi mitrailleur (ou une paire, je ne sais plus). Je décide de ne pas lui causer plus de tort et tenter de la connaître un peu mieux. Elle s’appelle Stacey, sûrement une américaine. Lui accordant cette confiance toute relative, je me dissimule derrière une voiture en attente des deux zigotos en armure de space marines.

Ils débarquent, bêtement côte à côte. Il ne me reste plus qu’à débouler face à eux et les asperger l’un après l’autre d’une pluie de munitions. L’un après l’autre s’effondre, mais je poursuis le feu en variant les organes ciblés pour plus de sûreté, mais aussi plus de fun. Cette décision de vider mon/mes chargeurs sur ces jeunes gens, bien que motivée il est vrai par un esprit revanchard, est surtout guidée par la maxime « tuer avant d’être tué ». Légitime défense. J’éclate quasiment d’un fou rire jubilatoire. Une fois cet office achevé et la messe dite pour les gisants, nous cheminons plus tranquillement Stacey et moi, toujours dans la même direction, presque bras dessus-dessous. Presque.
Si j’ai pu lui prendre le bras, c’était pour la guider, voir la traîner. Si elle me suivait, c’était d’abord pour ne pas mourir. Il demeurait pas mal de tension entre nous deux. Ses yeux noirs de félin me criblaient de balles. Son visage fermé de femme fatale respirait l’élégance mais surtout la méfiance et la rancœur. A mes côtés alors que je n’allais nulle part, elle figurait une muse terrible.

D’ailleurs, elle finit par m’inspirer un nouveau mouvement de survie. Je me lasse d’elle et décide de m’en défaire. Rendu où je suis, cela ne fera pas grande différence pour moi qui ait déjà abattu deux hommes. Après tous ces coups de feu, un de plus ne changera rien aux oreilles des témoins. Je suis encore soumis à l’adrénaline et à l’odeur du sang et de la sueur. L’euphorie de ma toute puissance guerrière m’anime encore et règne sans partage dans mon organisme. Et puis cette femme est dangereuse. Elle me brisera le cou à mains nues dès que j’aurais le dos tourné, c’est sûr. Légitime défense. Je la brusque pour qu’elle me fasse face avant de lui administrer une décharge de révolver à bout portant. Mortellement touchée par mon baiser empoisonné, elle s’écroule sans un son.

Je continus mon bonhomme de chemin et débouche sur un large boulevard. Je ne vois rien, qu’un immense espace lumineux, je suis ébloui. Ce lieu ouvert me donne un mauvais pressentiment. J’ai également l’impression que tout le monde me regarde, alors que de mon côté je suis aveugle et perdu : quelle direction prendre ? En tout cas, je ne me sens pas en sécurité.

Mon malaise n’était pas infondé. Alors que l’idée de faire demi-tour s’impose à moi et que je m’apprête à tourner les talons, un sniper m’aligne proprement, comme un chasseur qui tire un lapin dans un champ. Je ne verrai jamais le visage de mon assassin, rien que la balle me frappant au torse et me traversant de part en part.

Dans un réflexe réponse à la fusillade, j’écarte les bras à l’horizontale, tel Jésus sur sa croix. Je ne saigne pas, ne souffre pas. Je souris de l’ironie de la situation : tout ça pour ça. Le jeu s’arrête ici et maintenant. Je chois en arrière lentement. Le sourire aux lèvres et les yeux fermés, je suis une feuille de platane qui touche doucement le bitume en automne. Le rêve s’achève en même temps que la vie du personnage que j’y incarne.

Interprétation :

Enfin un rêve où je suis content de moi et me vois dans le Paris des années 2030 réussissant ma vie tout en assumant ma cravate et ma chemise décontractée. Je me réjouis de sentir l’air estival de la capitale et de voir que la capitale est toujours internationale (avec la présence tout à fait normale d’une étrangère). Je suis optimiste, et je crois en ma réussite.

Toutefois, ce qui n’a pas changé, c’est la violence et la solitude qui règnent à Paris. La populace ne semble guère s’offusquer des coups de feu et spectateur de ce film, je me suis inquiété de la piraterie qui règne désormais sur la ville qui m’a vu naître et mourir.
Toutefois, je ne me laisse pas embarquer par cette déchéance, fais mon nid malgré un contexte chamboulé, et prends même les armes pour lutter de toutes mes forces contre les autres qui me veulent du mal. Paris n’est pas un village, mais une jungle. J’y dame le pion avec mes poings, ma tête et ma virilité, face à des ennemis nombreux et bien armés, mais idiots et lents. Et tous ces efforts pour finalement me faire bêtement abattre par un tireur d’élite. On a beau faire de son mieux, l’enfer, c’est les autres, ce qui n’est pas de notre ressort. Ma mort est aussi la preuve de la fragilité de la vie et de l’individu. Au premier faux pas, les autres ont eu ma peau.

L’exécution de l’américaine est encore un tournant. Je ne sais toujours pas comment manœuvrer cette jeune femme que j’admire autant que je la redoute. Au final, ma seule solution pour ne pas souffrir de notre relation est de la détruire, pour qu’elle ne me brise point. Même la fuite aurait été risquée, elle aurait put dissimuler une autre arme dans ses sous-vêtements. Et d’une certaine manière, j’ai assouvi au passage ma pulsion meurtrière basique tout en éprouvant sans honte un grand sentiment d’impunité. Par la force de la violence et de la destruction, j’exerce un pouvoir immense qui m’exalte.





Un peu de cinoche :


La mort aux trousses, 1959/ De Alfred Hitchcock, avec Cary Grant et Eva-Marie Saint. Plus d’informations.

Sin City, 2005 / Réalisé par Robert Rodriguez, Frank Miller, Quentin Tarantino, Avec : tout plein d’acteurs connus. Plus d’informations.


Un peu de zik :

Elle a les yeux révolver / Marc Lavoine, 1985