vendredi 26 décembre 2008

La pluie

J’aime la pluie. Cette eau qui calme mes cheveux avant de dévaler sur mon visage. Enfin la sensation d’être aussi humide à l’extérieur qu’au fin fond de soi. L’eau a un pouvoir de guérison inégalable. L’eau qui coule sur vous par grosses gouttes ne se contente pas de charrier les impuretés, elle a un pouvoir cicatrisant et apaisant. Il suffit de voir tous les médicaments qui ne sont de fait que de l’eau légèrement améliorée !

Sentir la pluie fraîche ou l’eau chaude de la douche ruisseler sur sa peau, c’est un peu le retour à l’élément originel. Le retour au déluge purificateur. Sentir tout son corps en osmose avec cet élément neutre qui vous supporte et vous soutien. Un plaisir sensuel accessible et gratuit. Un peu comme une douce caresse parcourant tout le corps en une fois…

La pluie est souvent froide, parfois acide, et quand le déluge est trop fort et les nuages trop épais, ils peuvent vous voiler la vue. Heureusement, l’humain a toujours trouvé des parades. Quand la pluie s’infiltre dans son cou, il invente l’imperméable. Quand il en a assez d’avoir les cheveux mouillés, il invente le parapluie. Quand son pare-brise est inondé et vont le conduire à percuter un platane, il invente les essuie-glaces… Il a le pouvoir de ne pas se faire importuner par la météo. Il a beau être cerné par les éléments, il s’en protège avec astuce. Du coup, il peut profiter du spectacle que lui offre la nature…

Car qui y a-t-il de plus majestueux que la chute de traits de pluie comme un don fait par l’atmosphère à nous autre, petits terriens ? Les amérindiens priaient pour que tombe la pluie, il fallu bien que ce fut un cadeau divin autant que l’expression de la divinité de cette puissance implacable. Sans la pluie, point d’agriculture, elle a contribué à ce que nous humains sommes aujourd’hui.
Et pourtant, avec nos parapluies nous défions les dieux. La force des éléments peut nous impressionner mais plus rarement nous vaincre. Aussi nous n’hésitons pas à venir défier les crues, la tempête à l’extérieur n’a d’égal que notre fierté intérieure. La seule inondation dont nous ne pouvons venir à bout, c’est quand il pleut à l’intérieur de nous-mêmes…

Alors laissons-nous aller à une envolée lyrique, n’ayons plus peur de voir à travers les nuages gris et à reconnaître le romantisme de la pluie. Quoi de mieux qu’affronter le déluge à deux, en partageant une épaule et un parapluie ? Quoi de plus enthousiasmant que filer sous les gouttes la fleur au fusil, et se régaler de la fraicheur de l’air après la sécheresse ? Décidément, j’aime la pluie.

Baptistisime, le 26/12/2008, Bayonne

vendredi 19 décembre 2008

Le chat et les mouettes





Arpentant les falaises, qui voilà c’est le Chat
Qui relevant la tête, vit s’ébattre les mouettes
Bien aises dans les cieux, bercées par la houlette
Si belles que matou en ferait son repas.

Dans les herbes le moustachu se tapit, alerte.
Ses sens aiguisés touts dédiés à ses proies
Certain de son succès, confiant il s’élança,
Chuta avec grâce, s’en alla faire trempette.


Sous les rires moqueurs, le chasseur du dimanche
A l’anglaise fila et maudit la Manche
Se jura de garder la leçon dans sa tête de félin.


Il apprit que pour faire décemment bonne chair
A ne point convoiter les créatures des airs
Quand on n’est pas ailé, tenaillé par la faim !

mardi 16 décembre 2008

A bout de souffle ! Episode deux

Chapitre 2 : Alimentation : survivre


(Précision : je distinguerais cette notion de « ne pas mourir » de la survie par une considération temporelle : ne pas mourir, c’est la « Survie Urgente ».)

Une fois l’urgent assuré, on s’intéresse aux affaires courantes. Une fois l’apport en oxygène satisfaisant, on s’aperçoit que l’organisme a besoin de davantage de matière première pour tourner rond. Une fois que le bébé a poussé son cri, il lui faut vite téter sa mère. Une fois un effort achevé, on peut se surprendre à avoir faim, soif ou sommeil, alors même que l’essoufflement rendait ces sensations imperceptibles quelques instants plus tôt.

A l’instant où le « ne pas mourir » prend fin, la « survie » prend le relais dans la seconde. « Ne pas mourir » était la survie urgente, immédiate. Survivre est une survie lente, quotidienne. Quand le processus respiratoire intervient une cinquantaine de fois chaque minute, la digestion n’est sollicitée que trois fois par jour, le plus souvent. On peut ainsi reformuler le concept en fonction de l’échelle de temps :
- « Ne pas mourir » : Ordre de la seconde.
- « Survivre » : Ordre de la journée.
- « Vivre » : Ordre du siècle, voir plus.
Qu’est-ce que survivre « lentement », au jour le jour dit-on parfois ? De manière générale, j’entends par là tous ces métabolismes corporels à part trois (respiration, circulation sanguine, activité cérébrale). Cela concerne ainsi un grand nombre de fonctions organiques vitales moins rapides que la respiration, donc nécessaires moins immédiatement, donc plus faciles à différer. Le meilleur exemple est donc la digestion, que nous évoquions précédemment. On peut passer un mois sans manger, mais si l’on reporte trop cette fonction, le décès survient quand même. Le point important est là encore une considération de durée : ne pas respirer tue en cinq minutes ; ne pas manger en cinq semaines. L’importance de « ne pas mourir » est pareille à celle de « survivre ». Ni l’une ni l’autre ne sont identiques, seul le timing diverge.

Ce qui change tout au final. Les besoins les plus urgents sont toujours supérieurs aux autres, précisément du fait de leur urgence. A quoi servira-t-il d’avoir le ventre plein si c’est pour mourir asphyxié ? L’individu ne vivra pas assez pour voir le bénéfice de son repas… On pourrait appeler ça « les priorités par l’urgence ».
On l’a vu, ce deuxième temps de la vie peut grosso modo s’identifier à l’alimentation, bien que cela concerne également le sommeil, l’hygiène, faire ses « besoins », l’exercice physique. Toutes les fonctions nécessaires au bien être physiologique et qui bien souvent sont quotidiennes, ce qui illustre bien ce qui est précédemment (concernant l’échelle de temps et la possibilité de reporter ces activités).

Bien que l’alimentation, le repos et l’hygiène semblent des acquis dans notre société industrialisée, il ne faut pas oublier que ce confort n’est pas gratuit, et prend plus de notre temps que nous le pensons. Ne dit-on pas « gagner sa croûte » ? Le travail de nos jours : la vraie survie. Quand l’homme était un animal comme les autres, il passait ses journées à chasser pour se nourrir. Aujourd’hui, rien n’a changé, seul l’exercice quotidien est différent. Seul l’intermédiaire de l’argent est apparu, preuve que ce dernier est bien l’invention majeure de l’Humanité, symbole et mesure de survie et de ventres bien remplis. C’est sûrement pour cette raison que les humains le vénèrent autant !

L’aspect journalier est primordial. « Survivre », c’est la routine. C’est peut être d’ailleurs pour cela que cela nous parait si banal et si vil ; plus que le fait de ne plus devoir courir le lièvre au sens propre. « Ne pas mourir » et « survivre » ont fait l’objet dans tellement d’efforts de la part de l’homme du passé que leurs héritiers, nous, humains du XXIe siècle… Ces deux temps de la vie apparaissent comme « faciles », voir comme des formalités.

Plus préoccupant, le travail (donc la survie) est souvent jugé comme une tâche rébarbative et ingrate par la jeunesse actuelle. Manger n’est plus à la mode et ne suffit plus à tromper l’ennui. C’est devenu Has been, surfait. J’ai souvent l’impression d’entendre qu’il vaut mieux vivre que survivre.

Et pourtant si le quotidien peut être ennuyeux, il constitue une base essentielle de la vie. On pourra tenter de construire quoi que ce soit, si cette base n’est pas solide, le monument sera bancal. Il arrive que certains artistes vivent de leur art (activité qu’on pourrait classer dans le troisième temps de la vie « Vivre ») et vienne contredire cela… Mais la plupart du temps un ventre vide aura des difficultés à créer. Quel que soit le discours que l’on peut tenir sur le sens de la vie, sur toute la métaphysique surfaite qu’on invoque à tort et à travers… N’oublions pas qu’un clochard ne pensera qu’à demain et un malade à tout de suite. Rappelons-nous que les étapes devront être enchaînées dans le « bon ordre » dans la majorité des cas. Inutile d’hypothéquer le présent au nom du futur, inutile de tenter un saut trop périlleux pour griller les étapes.

Ce n’est qu’une fois que le corps n’est plus sous la menace d’une mort violente ou lente que le troisième temps de la vie intervient.

(A suivre)