dimanche 6 janvier 2008

Le Léviathan des airs, la suite:


Je ne connais rien de plus jouissif que les sensations du décollage.

L’accélération initiale introduite par les rampements préliminaires du léviathan cloué au sol ; est une mise bouche des plus palpitantes. Outre la prise de vitesse, délice en soi, les efforts fournis par le monstre pour rejoindre son domaine céleste s’accompagnent d’énergiques frissons, d’un grondement qui prend les tripes, d’une force de pression qui vous enchaîne au fauteuil. Cette manifestation de la puissance de l’engin transcende les sens et la conscience, fixant le voyageur imprudent dans une appréhension exaltée autant qu’une sorte d’humilité respectueuse face à ce tourbillon surnaturel. A tel point que moi-même éprouve un frisson le long de l’échine.

« L’instant » finit par conclure cette attente fébrile et vaillante, cet instant où l’attraction terrestre et le désir de liberté de la créature s’affrontent. La victoire de notre champion ne fait aucun doute. Le brusque changement d’altitude est un ressenti violent pour le cerveau humain, il me semble qu’il s’y déchaîne une tempête…Quand à la force d’accélération, elle atteint son paroxysme. Vitesse, forces attractives en conflit : il y a de quoi être déboussolé. C’est particulièrement vrai lorsque l’on a les sinus bouchés…Ainsi, le sang ne fait qu’un tour dans la boîte crânienne. Cela couplé à la décharge d’adrénaline et au dérèglement des capteurs physiologiques de position et des centres de l’équilibre, forme un curieux cocktail.

Ainsi s’opère l’improbable libération d’endorphines…Monte en moi cette douce euphorie qui s’intensifie en un rien de temps. Partant de la tête, cette vague d’extase se répand, envahissant le buste telle une décharge électrique, intensifiant les frissons de base. Un véritable orgasme non sexuel, bref et intense.

« S’envoyer en l’air » : la formule vient de retrouver ses fondements étymologiques, à ce que je vois.

Finalement, peut être tenons-nous la clef de l’exaltation naturelle propre aux anges et la manière dont ils compensent leur absence de sensuel, qui sait ?

Une fois la frontière finale marquée par les nuages franchie, j’admire les lumières de la ville en contrebas, semblables à une vaste maquette…Un simple bricolage de la fourmi humaine, un simple jouet pour léviathan géant. J’ai l’impression de partager le point de vue du dragon avec qui je vole, un dragon céleste se jouant des contraintes.

« Un dragon règne sur le Monde, le survolant et l’encadrant de l’infinie longueur de son corps. »

Atterrissage !

PS : A l’inverse de cette envolée lyrique, le retour à la terre est beaucoup plus triste, bien que tout aussi prenant. Ce contact est un témoin de la chute et du retour aux règles de la gravité « normale ». Le freinage, l’impact des trains sur la piste nous rappellent que le dragon a été cloué au sol.

Bridé, enchaîné, il n’est plus dans son domaine. Malheureux, il rampe de nouveau avec maladresse. Baptistisime, janvier 2007.

Je remercie Mélusine sans qui ce papier n'aurait pas vu le jour lui non plus^^.

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