Chapitre premier : Mystérieuses cités d’or ?
C’était toujours mieux avant, pas vrai ? En ouvrant nos manuels d’histoire, on a souvent envie d’envier nos ancêtres… La tentation est forte quand on lit des expressions comme «
trente glorieuses », «
plein emploi » par exemple. Même à l’échelle individuelle, qui n’a jamais connu la nostalgie d’un passé révolu, d’un épisode passé supposé le meilleur de son existence ? Qui n’a jamais fait le triste constat que l’instant présent a bien à envier à ce qui a été ; que la situation était acceptable AVANT et qu’elle a joué au yoyo pour finalement se détériorer sur la durée ?
Surement que cette impression pourrait largement s’expliquer par notre petite nature d’hommes mortels ; par notre inéluctable vieillissement, par le poids du temps qui passe. Mais ce ne sera pas mon propos du jour, à cette heure c’est d’or que j’aimerais parler. Tous les Eldorado ne sont pas forcément de vastes empires, d’immenses cités d’or. Nous avons chacun notre propre couronne.
Mais tout massif soit-il, l’or se ternit avec le temps… Quand je relis mes papiers plus anciens, la conclusion s’impose à moi que j’avais davantage de talent AVANT. Il me faut alors beaucoup d’effort pour m’extraire de la vision instantanée et prendre du recul. Me rappeler ce qui faisait l’éclat de cette mince couronne. Imaginer comment adapter ces ingrédients de la recette d’antan pour éviter l’oxydation et préserver la lumière de l’or qui m’a été confié. Envisager de la léguer en bon état un jour.
Chapitre 2 : A quand l’or translucide ?
D’un autre côté, il conviendrait de manière générale de donner le prix de l’or à ce qui en est vraiment. «
Tout ce qui brille n’est pas or ».
Quitte à déstabiliser mon premier chapitre, il faut reconnaitre que l’on a eu tendance à qualifier d’or un peu tout est n’importe quoi sous prétexte de valeur pécuniaire importante. L’or vert, l’or blanc même (pour parler de l’eau) et bien entendu… l’or noir.
L’or noir… le pilier incontournable de notre économie de marché, sur lequel se cale le cours du dollar, sur lequel se jouent des actes diplomatiques contre nature (c’est marrant, les States et les Saoudiens sont copains comme cochon pourtant j’ai jamais entendu dire que l’Arabie était une démocratie) et des guerres économiques éhontées comme en Irak. Le pétrole pourrait même être considéré comme la grande calculatrice qui chiffre la richesse d’un pays, de son poids sur la balance de la diplomatie internationale et tant d’autres choses qui ont pourtant si peu à voir avec ce liquide sombre, visqueux et mal odorant.
En gros, l’or noir a détrôné l’or conventionnel dans le rôle qui était le sien de chiffrer la richesse d’un état. A la belle époque, à l’âge d’or, le poids d’un pays et la valeur de sa devise dépendait de son stock d’or. Maintenant que l’or est relégué à l’état de simple matière première pour joaillier et que le pétrole est le nouveau souverain de l’empire terrien mondialisé, nous sommes passés à la vitesse supérieure. Pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Maintenant, les dollars pullulent et s’entassent virtuellement dans des banques et finissent par se confondre avec les chiffres qui essayent de leur donner une quelconque existence. Je dis bien essayer. Quand l’or, noble métal, a une réalité matérielle et survie aux siècles ; qu’en est-il du pétrole ? Qu’en est-il de cette denrée éphémère et consumable ?
Je ne crois pas raisonnable de se reposer sur une supposée valeur dont la destinée est de partir en fumée. L’or noir permet le rendement que l’on a évoqué plus haut, mais jouit d’une pérennité nulle. Que devient-il quand on le donne aux avions ?
Du vent.Chapitre 3 : Or noir et religion du vide :
Le vrai problème est que notre économie repose sur du vide. Pendant l’âge d’or, le commerce avait des règles à échelle humaine. On savait quelle valeur avait les choses, ce qui rendait même le troc possible aux origines. Tant que l’or servait de témoin matériel de la richesse, cette richesse avait une signification. Maintenant, les choses ont une valeur non matérialisée, l’argent et les richesses sont des réalités virtuelles de type mathématique.
L’homme d’aujourd’hui à l’amour du vide. Rien ne lui plait davantage que le vent virtuel. Son dieu ? Zéro. Littéralement. Surtout en grand nombre, précédés d’un un. Les puissants de ce monde sont des collectionneurs de zéros. Pourtant, à ajouter des zéro ou à multiplier par zéro, on obtient la tête à Toto. Vide, comme celles de trop d’hommes…
L’économie et la bourse sont devenues des sciences complexes, beaucoup trop pour le commun des mortels. Et voilà qu’on assiste à la naissance d’une nouvelle caste de spécialistes qui s’étripent pour des chiffres. Des gens qui manipulent ce vide pour se remplir les poches de billets bien palpables, quitte à hypothéquer le monde. L’avenir de nos enfants n’est pas une statistique, ni un cours ni une devise, ça ne les intéresse pas.
Jusqu’à quand homo sapiens se maintiendra t’il sur des fondations poreuses pleines de vide ? La dépendance au pétrole a déjà prévenu l’occident en 1929 et en ce mois d’octobre 2008 les absurdités des valeurs du capitalisme moderne punissent les illusionnistes de l’inexistant. Curieusement, on voit des gens (r)acheter de l’or, peut être les prémices d’une lucidité bientôt de retour ?
Chapitre 4 : Bilan
L’or devait être la vraie valeur des choses, mais les regards sont trop sectaires. Entre le vieux monarque qui regarde sa couronne rouillée avec nostalgie, le « golden » boy qui brûle sa vie, sa planète et l’avenir de ses enfants pour remplir son compte en banque, et le jeune Shââ affolé par sa vision apocalyptique de l’avenir, un juste milieu semble s’imposer. Passé, présent et avenir sont tous liés dans une continuité logique et avérée, pourquoi ne pas les considérer ensemble pour une fois ? Ne plus regretter le passé, mais en garder ses enseignements. Ne plus craindre l’avenir, mais assumer les responsabilités qu’il impose au présent. Ne plus croire que le présent est la vérité et durera toujours. L’âge d’or n’a pas de date, l’or est inoxydable. Si on l’entretien comme il se doit.
Docteur G, Lille, 07/10/2008