jeudi 21 juillet 2011

Les rêves mentent-ils ? Episode 59

29 mars 2011. Ma chambre au Broc


Je m’éveille cette fois en très intime compagnie d’une jeune femme dénudée. Nos ébats sont déjà lancés. Installés sur ce qui semble être une couchette de fortune, nous nous étreignons face à face, elle assise sur moi. Elle me retient en otage avec ses bras autour de mes épaules.
Elle est enjouée, moqueuse, son sourire l’illumine dans une pièce par ailleurs sombre et vide, en apparence. Elle déborde d’énergie. Elle s’agite, frétille, me chahute autant que ses longs cheveux libres me chatouillent. Moi je suis plutôt ronchon.
Elle me charrie sur la durée de nos ébats. Pour l’impatiente, il s’agit d’une éternité, ça n’en finit plus. Moi, je m’en fiche. J’essaye de profiter de cette rencontre au mieux. Tant pis si je suis pas assez bourrin à son goût. Même s’il me faut me concentrer fort sur l’action pour espérer la mener au bout. Je goûte à ma chance. J’ai l’impression d’accorder beaucoup d’importance à faire dans les règles et régaler ma partenaire autant que je me régale. Mes mains se baladent, sans grande inspiration…Je ne sais pas alors pourquoi je suis de mauvaise humeur et ce qui me retient, d’une certaine façon.





Je quitte la pièce peu de temps après, et ma conquête aussi par la même occasion, pour une ambiance radicalement différente. Je suis à bord d’une sorte de navire d’acier futuriste qui pourrait très bien être une sorte de vaisseau spatiale ou encore une île artificielle. Le soleil est étincelant et sa vive lumière se reflète sur l’eau. Pourtant, la lueur semble pâle, comme à l’aube d’un matin d’hiver. Et pour cause, le ciel est lourd, nuageux et opaque. L’embarcation est cernée de nombreux icebergs de différentes tailles. Il ne fait pas de doute dans mon esprit que nous sommes au nord du monde ce qui explique ce paysage si particulier.
Sur le pont, tout le monde commence à s’activer. Nous devons évacuer le navire. Fini la bagatelle libidineuse, l’heure est maintenant à la franche camaraderie virile. Je ne sais même pas ce que fait la femme avec qui j’étais, nous sommes désormais entre hommes. Chacun à notre tour, mes compagnons et moi enjambons la rambarde du vaisseau et sautons sur un iceberg tout proche. Puis sur un autre attenant, puis un autre comme si l’on jouait à saute-moutons. Il y a une ambiance électrique, quelque chose nous pousse à nous hâter. Durant ces passages, je tombe à l’eau, mais ne sent nullement le froid. Je me vois comme un être de feu lorsque je suis sous l’eau et quand je refais surface pour me raccrocher à un bloc de glace. Tout en n’éprouvant ni douleur ni affaiblissement, comme si la panique me donnait l’énergie de me concentrer uniquement sur l’effort en cours, sans rien ressentir de physique.




Nous continuons de progresser. Les icebergs forment comme un escalier, devenant de plus en plus hauts. Nous grimpons sur cet escalier jusqu’à apercevoir non loin un véritable plateau de glace.

Là encore sans que je me le dise clairement, la situation me revient en tête. Cet océan qui nous borde n’est pas normal. A la suite d’une catastrophe naturelle, il a englouti l’ensemble des continents laissant désormais un désert aquatique en lieu et place de notre planète bleue. Sûrement une conséquence de la fonte des glaces. Notre navire était probablement un refuge de fortune pour fuir ce cataclysme. Un refuge temporaire, nos espoirs reposant sur ce continent de glace.

Nous parvenons à temps sur celui-ci et constatons rapidement qu’il n’est pas plus stable que ce que nous avons fuit. Très vite, nous entendons notre escalier de glace se dérober pour toujours et les vibrations sous nos pieds nous informent très clairement que l’iceberg géant s’apprête à faire de même.

Les tremblements s’intensifient. Alors que nous sommes au sommet du monde, une impression de chute nous envahit. Il faudrait croire que l’immense montagne de glace s’est détachée de ce qui la tenait solide comme un roc. C’est comme si le monde entier se délitait sous nos pieds et glissait vers les abysses, à la manière d’un tapis roulant en cours de ravalement. L’adrénaline prend le pas sur la raison, la chaleur monte et l’instant de survie débute. Notre course est désespérée, pas assez prompte pour distancer la fulgurante disparition de ce qui reste de surface émergée dans notre dos. Et quand bien même nous pourrions distancer ce gouffre naissant, où fuir ? Quand l’îlot glaçon aura fini de fondre et sombrer, il n’y aura plus le moindre refuge sur Terre.

Au moment où me viennent ces funestes pensées, qui ne me retiennent nullement de courir, la glace sous mes pieds laisse place à de la terre. Un vrai sol terrien à peine verglacé ! Dans un réflexe athlétique, mes compagnons et moi nous jetons sur ce refuge providentiel comme on sauterait d’un train en marche. Quelques instants plus tard, l’iceberg finit de s’effondrer et va s’abîmer dans un bruit sourd.
Nous nous relevons et appréhendons les alentours du regard. La motte de terre où nous avons pris pieds est âpre, visiblement désertique. Le relief est plat, rien ne semble dépasser de la surface. Le sol est légèrement sablonneux et présente quelques pierres, mais est stable. En y regardant mieux, on découvre un vaste réseau de racines affleurant par endroit. En profondeur, ces racines sont épaisses, noueuses, denses. Je comprends alors que ce sont elles qui maintiennent en place ce banc. Ce sont elles qui ont empêché que ce nouveau monde ne s’effondre sur lui-même !
Nouveau tour d’horizon. Un peu plus loin du rivage, j’aperçois mon père, debout, qui semble nous accueillir de loin, comme s’il attendait d’autres rescapés. En me retournant, je revois l’océan gigantesque, à perte de vue. Le soleil est toujours aussi intense, à peine brouillé par la vapeur des glaces englouties. Je ne trouve plus ni icebergs encore debout, ni le vaisseau que nous venons de quitter. Vraisemblablement, l’île aux racines est désormais le dernier havre pour les humains terriens.


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